Intervention de Robert del Picchia

Réunion du 7 février 2012 à 14h30
Débat de politique étrangère

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia :

L’action internationale de notre pays reste guidée par la conviction que la France a un rôle particulier à jouer sur la scène internationale. Toutefois, le monde a évolué depuis l’époque du général de Gaulle : la mondialisation nous oblige à mener une politique étrangère plus complexe, plus difficile.

Le rôle de l’Europe dans le monde en témoigne. Ce rôle est croissant, et doit s’accentuer encore par la volonté des États membres d’exprimer d’une seule voix leurs valeurs communes. L’ambition d’une existence internationale de l’Union européenne n’était pas présente lors de sa fondation. Néanmoins, l’Union européenne est aujourd’hui contrainte à l’action.

Le dossier syrien en est une malheureuse illustration. Ce pays reste au centre d’une actualité explosive et la situation est inacceptable pour la communauté internationale Tous les efforts, et en particulier ceux de la France, pour trouver une solution au sein du conseil de sécurité de l’ONU, ont échoué à cause – nous le savons tous – de la position intransigeante de la Russie, alliée ferme du régime de Damas, et, dans une moindre mesure, de la Chine, qui a pris la même position que la Russie, pour d’autres raisons.

Il reste que le « devoir de protéger » reconnu par l’ONU, que notre président a évoqué tout à l'heure, ne se traduit pas dans les faits. Nous savons que vous n’abandonnez pas, que vous continuez à faire beaucoup d’efforts. Nous nous tournons également vers l’Union européenne, mais celle-ci a-t-elle les moyens d’agir ? Quelles sont ses possibilités, monsieur le ministre d’État ?

Dans les pays où elle ne peut plus « avancer », l’ONU délègue souvent son action à une puissance régionale. L’Union européenne a été sollicitée à plusieurs reprises ces dernières années. Est-ce une tendance qui va s’amplifier à l’avenir, et, si tel est le cas, comment pourrons-nous répondre à ces nouvelles demandes ?

Conformément à l’intérêt de la France et à sa place dans le concert des nations, face à une construction européenne dont le renforcement est une urgence, et pas seulement du point de vue économique, l’action déterminée du chef de l’État confirme le rôle plus que jamais moteur de notre pays sur le continent européen. C’est bien la solidité des liens avec nos partenaires européens qui garantit notre indépendance politique.

La force d’initiative du couple franco-allemand a été déterminante ces derniers mois. La finance – appelons-la par son nom –, nouvelle menace pour l’indépendance des États en ce début de siècle, doit être maîtrisée. C’est grâce à une union menée par la France en coopération avec l’Allemagne que nous avons apporté des éléments de réponse qui nous permettent de restaurer petit à petit la confiance dans une construction européenne ébranlée. La signature d’un traité à vingt-cinq constitue une autre victoire, car elle envoie un message fort : celui de l’action commune. Encore faut-il qu’elle soit pérenne et crédible pour tous, et que la signature de l’État soit respectée aujourd'hui et à l’avenir, proche ou lointain.

Le même engagement au niveau diplomatique conduirait sans nul doute à renforcer l’action internationale de la France. L’union diplomatique serait un allié précieux de notre pays, et soutiendrait votre engagement, monsieur le ministre d’État.

Une Europe forte, qui inspire confiance à ses partenaires, pourrait également lancer des actions là où l’ONU échoue aujourd’hui. Une voix commune serait le gage de sa détermination. C’est pourquoi la nécessité d’un ministre des relations extérieures de l’Union européenne s’était faite particulièrement pressante lors du second conflit irakien. C’est pourquoi, aujourd'hui, il nous faut faire entendre notre voix commune, car nous disposons désormais de la structure institutionnelle qui nous faisait auparavant défaut.

La voix de l’Europe constituerait-elle, alors, une menace pour la place de la France et son rôle si particulier dans le monde ? On peut se poser la question ! Tant que nous aurons des propositions à formuler, la volonté et le courage de les défendre, nous continuerons à entraîner le reste de nos partenaires européens, je n’en doute pas. Telle est certainement la force de notre diplomatie, et au-delà de notre nation : convaincre, réunir autour de nos convictions.

Le courage, la détermination à ne pas agir seule, la France peut les mettre en œuvre avec son partenaire allemand et le reste des États membres de l’Union européenne. Ne peut-il s’agir d’une alternative efficace à des instances internationales qui échouent souvent dans la recherche d’un consensus illusoire ?

La coopération avec les autres États nations est la clef de voûte de notre politique extérieure. Aujourd’hui encore, il est indispensable de ne pas tomber dans la caricature de clivages nouveaux et trop simples. La France n’a jamais eu intérêt à se fondre dans la masse d’alliances figées, face au reste du monde ; c’est encore vrai aujourd’hui.

La mondialisation oblige notre pays à trouver un équilibre entre les cinq membres du conseil de sécurité de l’ONU, l’Union européenne, la Méditerranée et les pays émergents. Ce pourrait être, me semble-t-il, l’aboutissement géopolitique et économique de notre rôle.

Ce rôle, nous devons le jouer par le biais d’une diplomatie équilibrée entre, d’une part, la défense des peuples et de la démocratie, comme en Afrique ou en Birmanie, d'autre part, la fermeté face à l’Iran ou la Syrie, mais aussi par l’action ou l’intervention, comme en Libye, où l’aviation française n’a pas suivi les alliés mais a été – rappelons-le – la première à agir.

Il existe des axes géographiques, historiques et économiques qui nous permettent de développer des coopérations qui nous paraissent fondamentales. L’accord de coopération militaire avec la Grande Bretagne en matière de défense nucléaire est un exemple, certes peu connu du grand public, mais important pour notre politique de dissuasion.

L’Union pour la Méditerranée est un autre exemple. En effet, si le processus de Barcelone semble aujourd'hui piétiner, il n’en demeure pas moins capital de réinvestir ce champ d’action. La Méditerranée, berceau de la civilisation occidentale, est depuis des décennies au cœur des conflits les plus importants.

La difficulté de faire asseoir à la même table Israël et les pays arabes, ainsi que les révoltes des peuples en Égypte et en Tunisie, où avaient été choisis nos interlocuteurs privilégiés, ont, c’est vrai, donné un coup d’arrêt à cette coopération naissante. Il faut reprendre ce projet, sur lequel la France doit conserver l’initiative.

Si nous parvenons à développer des intérêts communs entre l’Europe et le sud de la Méditerranée, à bâtir une union économique, éventuellement sur le modèle de l’ancêtre de l’Union européenne, peut-être parviendrons-nous à neutraliser les conflits actuels. Le général de Gaulle avait imaginé l’Europe des nations contre la guerre. Nous pouvons aujourd’hui regarder la Méditerranée avec cette même ambition. §

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