Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 7 février 2012 à 14h30
Débat de politique étrangère

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, c’est certes au nom des droits de l’homme que nos forces armées participent à la coalition internationale en Afghanistan, mais la véritable raison réside dans la solidarité que nous avons voulu manifester aux États-Unis, frappés au cœur de leur citadelle économique de New York et de leur forteresse politique et militaire de Washington DC.

En trois semaines, la coalition a pulvérisé les forces talibanes, mais, dès que la guerre est devenue asymétrique, les progrès et les reculs se sont neutralisés. Après onze ans de présence, la majorité de la population nous considère désormais comme une force d’occupation.

Admettons-le, c’est un échec, dans le droit fil des retraits britannique et soviétique des siècles passés. Dans chaque débat sur l’Afghanistan, j’ai souligné inlassablement que, si l’effort militaire était indispensable, c’était en installant l’eau et l’électricité dans les villages, en construisant des écoles, en procurant aux Afghans l’accès à l’internet et en leur donnant ainsi le sentiment d’appartenir à la communauté internationale que l’on gagnerait la guerre. Notre action en la matière n’a pas été suffisante.

Maintenant, que faire ?

Le retrait d’Afghanistan apparaîtra comme une victoire de l’islam fondamentaliste sur l’Occident. Nos actions vis-à-vis des talibans et de ceux qui les soutiennent directement ou par réaction doivent impérativement s’exercer sans la moindre faiblesse pour éviter l’effet domino. Envoyons un message sans équivoque aux financiers des talibans.

Mettons enfin la pression sur Israël, dont la politique inacceptable en Palestine, faisant fi du droit international et des résolutions de l’ONU, alimente le très fort ressentiment des musulmans et donne des prétextes à la violence. Le risque pour Israël d’un embargo sur les produits agricoles et les armes, dont il est le quatrième exportateur, devrait le rendre plus sensible aux pressions européennes.

Il faut avoir conscience de la réalité d’un monde indo-persan pour aborder le problème afghan. Le commandant Massoud me disait que ses seuls appuis provenaient de l’Iran, de l’Inde et de la Russie. Ces trois pays sont toujours les protagonistes indispensables du containment du prosélytisme taliban.

L’Iran, qui partage une communauté linguistique et culturelle avec l’Afghanistan et qui a accueilli plus de 2 millions de réfugiés, ne veut pas de forteresse salafiste sur son flanc est. Nous avons là un intérêt commun.

Le mandat du président Ahmadinejad prendra fin l’année prochaine. Il faut dès à présent préparer l’avenir. Une coopération sur l’Afghanistan permettrait de renouer le dialogue, en particulier sur la question nucléaire.

L’Inde, dont la montée en puissance crispe le Pakistan, pourrait et devrait assouplir sa politique au Cachemire. Cela permettrait peut-être une politique pakistanaise moins complice à l’égard des talibans.

Les pays d’Asie centrale, autrefois perses, qui constituent aujourd'hui les marches de la Russie, ont vu, dès l’annonce du retrait allié, des attentats-suicides se répéter. Il n’y en avait jamais eu auparavant !

Les talibans me l’avaient affirmé : ils veulent transformer les républiques d’Asie centrale en émirats. Cette zone eurasiatique stratégique, qui abrite notamment 7 % des réserves mondiales de pétrole et qui est devenue le premier exportateur mondial d’uranium, est extrêmement préoccupée par sa sécurité. Nous devons absolument répondre à cette inquiétude par une diplomatie active au plus haut niveau.

Nous avons, ces dernières années, nommé d’excellents ambassadeurs dans ces pays, mais, monsieur le ministre d’État, il est indispensable que vous vous rendiez sur place, ainsi que M. le ministre de la défense. Ces pays souhaitent une coopération plus étroite avec nos entreprises de défense, mais nous manquons parfois de pragmatisme et de réactivité.

À titre d’exemple, l’Ouzbékistan, avant d’être mis sous embargo européen voilà six ans, avait conclu des contrats avec des entreprises françaises. Après la levée de l’embargo, aucun des contrats annulés n’a été renouvelé. Pourquoi ? J’ajoute que le survol de l’espace aérien ouzbek, non acquis aujourd’hui, devient un enjeu essentiel pour nos forces armées. Monsieur le ministre d’État, soyez attentif à ces dossiers lors de la commission mixte franco-ouzbèke du 8 avril prochain.

Nous étions en Afghanistan pour défendre les droits de l’homme. Nous devons en partir ; nous allons le faire. Mais les femmes afghanes connaîtront de nouveau l’esclavage, les petites filles voulant s’instruire courront le risque de se faire vitrioler et on n’entendra plus de musique dans les montagnes afghanes. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion