C’est désormais la politique de la France. Nous le regrettons et il faudra sans doute faire avec durablement.
Par ailleurs, monsieur le ministre d’État, vous n’étiez pas en reste sur l’armement nucléaire, dont vous réclamiez dans une retentissante tribune publique de « réexaminer le rôle », à terme, certes, et sans fixer de date. Vous ne l’étiez pas davantage sur la participation de la France au développement du bouclier antimissile américain, devenue aujourd’hui pour l’Élysée une participation souhaitée.
Enfin, en 2010, vous n’hésitiez pas à qualifier la situation en Afghanistan de « bourbier terrible », observant à juste titre que « partir ou rester, dans les deux cas, c’est l’impasse ».
Et je n’oublie pas votre critique, charpentée, argumentée, de la lente et sûre dégradation de notre outil diplomatique.
Pour autant, monsieur le ministre d’État, je suis tenté de vous donner quitus pour cette année, au cours de laquelle vous avez essayé de rattraper les loupés de vos prédécesseurs.
Pierre Dac disait : « La prévision est un art difficile, surtout lorsqu’elle concerne l’avenir. » §Aussi, j’aimerais savoir si vous vous êtes interrogé sur l’aveuglement qui a conduit la France – certes, elle n’était pas la seule – à ne pas voir poindre la révolte des peuples arabes.
Pourtant, forts de notre proximité avec ces États, forts de nos réseaux de surveillance et de renseignement, forts de notre expérience dans la région, nous aurions dû être les premiers à pressentir le réveil de ces peuples et à les soutenir. Or il n’en fut rien et les premières réactions gouvernementales l’ont prouvé. La surprise fut totale et l’adéquation de notre politique très tardive.
Monsieur le ministre d’État, je m’interroge, je vous interroge : défaut de nos capteurs, erreur de nos décideurs ou bien les deux à la fois ?
Bref, si je pose cette question, à vous comme à nous, c’est non pas pour revenir à des polémiques désormais dépassées, mais bien pour tenter d’éviter collectivement à l’avenir ce type de déconvenues et de ratages.
En disant cela, je pense à la situation dans le Sahel et à l’évolution en Afghanistan.
Vous le savez, monsieur le ministre d’État, dans le Sahel, la situation est très inquiétante. Des otages français sont actuellement retenus dans cette région et je n’aurais garde d’oublier notre compatriote Denis Allex, membre de la DGSE, retenu, lui, en Somalie.
Je veux évoquer la situation d’insécurité grandissante qui affecte plusieurs États de la région sahélienne.
La présence croissante d’AQMI, la nouvelle rébellion touareg, le développement d’une criminalité internationale, régionale et transfrontière font que des foyers de déstabilisation se renforcent, quand bien même ils existent depuis longtemps. Or c’est notre sud proche, très proche, de plus en plus proche ! Il m’apparaît urgent que nous suivions avec la plus grande attention les évolutions de ce dossier.
Depuis des années, pour ce qui me concerne, j’attire l’attention des gouvernements sur cette situation, sans beaucoup de succès, sauf depuis quelques mois où, semble-t-il, les choses commencent à frémir. Il n’était que temps !
La nouvelle flambée touareg fait notamment suite au non-respect des accords d’Alger de 2006 – sujet sur lequel nous sommes restés totalement indifférents –, alors que, à l’évidence, le Mali porte en la matière une grande responsabilité. Désormais, ce pays est en campagne électorale, ce qui, j’en conviens, rend la recherche d’une solution politique plus délicate encore.
De surcroît, la rébellion se nourrit dans le même temps des retombées, en hommes et en armes, de la déroute du régime libyen.
Plus grave encore, cette dissémination d’armes et d’autres matériels depuis la Libye favorise l’essor d’une force terroriste, AQMI, renouvelée et réarmée.
Cette conjugaison de facteurs est de nature à installer dans la région du Sahel un face à face militaire durable et sanglant avec des acteurs multiples.
Monsieur le ministre d’État, nous savons que les efforts de reconstruction de la Libye sont considérables. Ils doivent contribuer à rétablir sa stabilité et sa sécurité. Dans ce cadre, la lutte contre la prolifération des armes, prolifération qui représente une véritable menace pour la paix et la sécurité dans toute la région, demeure un volet important. Cependant, j’attire votre attention sur la nécessité de s’attaquer aux racines du problème. Le terrorisme et les trafics de grande criminalité existent ; il faudra les combattre.
Le mal-vivre des Touaregs n’a pas attendu la chute de Kadhafi pour se manifester. La situation instable au Nord-Mali, au Niger, dans la région sahélienne, ne saurait se réduire au dangereux problème du terrorisme d’AQMI. Rien ne serait pire que d’assimiler la totalité du peuple touareg au terrorisme d’AQMI. Il y a lieu, et depuis bien longtemps, de séparer le bon grain de l’ivraie. Cette confusion n’a que trop tardé et a sans doute été entretenue à dessein par quelques intérêts locaux.
Il y a en toile de fond d’incontestables problèmes socio-économiques qui attendent des solutions pérennes. Le tout-militaire n’est sûrement pas la seule bonne réponse !
J’en viens à l’Afghanistan, et plus particulièrement à la question de notre présence.
C’est un truisme que d’évoquer les revirements, les contre-pieds et les atermoiements du président Sarkozy, tant ils ont été nombreux ! Partir, rester, augmenter, repartir : les ordres ont constitué un chapelet de contradictions tout au long du quinquennat.
Mais, l’heure du bilan ou du « retex », comme disent les militaires, c'est-à-dire du retour d’expérience, n’a pas encore sonné ! Nous sommes, et surtout nos soldats sont au milieu du gué : nous nous devons de les sortir de ce « bourbier afghan », l’expression vous appartient, monsieur le ministre d’État. C’est l’impératif actuel !
Il s’agit désormais de réussir la sortie du pays. Or l’exercice se révèle extrêmement périlleux. Il ne peut ni se faire dans la précipitation ni s’improviser. Une force qui se replie est en état de faiblesse. Nous devons en être conscients !
De toute évidence et malgré les dénégations publiques, le calendrier de retrait est avancé. Or il faudra en même temps participer à la stabilisation du pays dans le cadre d’une stratégie concertée avec l’ensemble de nos partenaires et assurer la protection maximale de nos hommes engagés sur place.