Intervention de Didier Boulaud

Réunion du 7 février 2012 à 14h30
Débat de politique étrangère

Photo de Didier BoulaudDidier Boulaud :

Selon vos déclarations, monsieur le ministre d’État, la stabilité de ce pays repose sur trois piliers.

Tout d’abord, il faut permettre aux Afghans de maîtriser eux-mêmes leur souveraineté par le transfert progressif de la responsabilité de la sécurité aux forces afghanes. Ce n’est pas gagné !

Ensuite, la communauté internationale devra se mobiliser aux côtés de l’Afghanistan bien au-delà de 2014, avec des objectifs ciblés en matière de santé, d’éducation, d’infrastructures et un effort financier important. Il faudra veiller à ce que les Nations unies restent fortement impliquées dans les actions pour le renforcement de l’état de droit, la mise en place d’une gouvernance démocratique et l’appui au processus de réconciliation. Sans essor économique, point de salut !

Enfin, il convient de rechercher une solution politique interafghane susceptible de fournir une feuille de route crédible, conduisant à une paix durable et équitable. Monsieur le ministre d’État, vous nous direz si des avancées ont pu être réalisées en la matière.

Je terminerai mon intervention sur l’Afghanistan par trois interrogations.

La presse anglo-saxonne rend compte régulièrement de négociations avec les talibans qui seraient en cours et nous avons appris récemment l’installation au Qatar d’un bureau politique des talibans à l’étranger. Quelle est la participation de la France à ces négociations ?

Par ailleurs, étant donné qu’il n’y aura pas de solution locale et régionale sans une forte implication du Pakistan et de l’Inde, sommes-nous parties prenantes aux discussions avec ces pays sur l’avenir de l’Afghanistan et, dans l’affirmative, de quelle manière ?

Enfin, malgré les contradictions au sein de l’OTAN et les déclarations à l’emporte-pièce du président Sarkozy, il semble que le calendrier du retrait soit déjà révisé par les États-Unis et par l’OTAN. Le secrétaire à la défense des États-Unis, Leon Panetta, a déclaré, le 2 février, espérer que l’armée afghane prendra la responsabilité de la sécurité sur la totalité du territoire en 2013. Et nous savons que, en la matière, quand les États-Unis s’expriment, cela vaut décision pour tout le monde !

Aussi, monsieur le ministre d’État, pouvez-vous nous dire quel est aujourd’hui le calendrier proposé par le gouvernement français ? Quelle sera sa position lors du sommet de l’OTAN à Chicago en mai prochain ? Serons-nous en mesure de proposer une solution commune aux pays européens membres de l’OTAN ? J’imagine qu’avec l’Allemagne tout est parfaitement calé, comme d’habitude ! §

Mes questions appellent des réponses, d’abord pour nos soldats, qui, sur place, ont besoin de clarté et dont la mission doit être explicitement définie, mais aussi pour la représentation nationale, qui exprime l’attente de nos concitoyens.

Soyez assuré que, si je vous interroge ainsi, c’est non dans un esprit polémique – le sujet est trop grave ! –, mais tout simplement avec le souci du respect dû à ceux qui risquent leur vie à la suite des décisions du pouvoir politique.

Je tiens d’ailleurs à rendre ici hommage au courage et au professionnalisme de nos forces présentes sur le terrain, et je veux saluer la mémoire des soldats tombés en Afghanistan : les morts, bien sûr, mais aussi les blessés, dont le nombre, qui n’est pas du tout négligeable, mériterait d’être mieux connu des Français.

Avant d’aborder rapidement la question des Balkans, même si le sujet reste d’importance en raison de la proximité géographique de cette zone, permettez-moi, dans le droit fil de l’excellente intervention de ma collègue Josette Durrieu, de vous faire part de ma très vive inquiétude, avivée par ce que j’ai appris lors d’un récent voyage aux États-Unis, sur la crise qui se profile entre Israël et l’Iran. Vous en parlerez certainement, mais j’aimerais surtout savoir quelle sera la position de l’actuel gouvernement si l’irrémédiable, comme je le crains un peu plus chaque jour, venait à se produire avant le 6 mai prochain.

Je conclus donc en évoquant les Balkans. Certes, la paix semble installée durablement, du moins l’espérons-nous. Pourtant, connaissant bien cette région, je constate que des ferments de déstabilisation perdurent.

En Bosnie-Herzégovine, la constitution issue des accords de Dayton, demeure, comme se plaisait à le dire notre ancien collègue Robert Badinter, un « mouton à cinq pattes ». Le risque d’un éclatement par la sécession de la Républica Srpska y est réel. Peut-on espérer une évolution institutionnelle, seule de nature à assurer définitivement la stabilité dans ce pays ?

Ensuite, qu’attend-on pour ouvrir les négociations d’entrée de la Macédoine dans l’UE, reconnue candidate dès 2005 ? Est-ce sous le seul prétexte que son voisin hellénique redouterait, ce qui fait sourire tout le monde, l’irrédentisme de ce petit pays ? Le moment n’est-il pas venu de ramener tout ce petit monde à la raison ?

Enfin, la situation entre le Kosovo et la Serbie restera-t-elle longtemps l’otage des échéances électorales à Belgrade, au risque de voir survenir des incidents frontaliers récurrents, comme il s’en est produit encore très récemment ? §

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