Si tel n’est pas le cas, pouvez-vous nous indiquer les démarches que le Gouvernement a entreprises auprès des autorités libyennes pour faire respecter les doits de l’homme, dont se réclamait la révolution libyenne, soutenue par l’OTAN.
Nous ne pouvons que nous interroger sur le fait de savoir s’il n’eût pas mieux valu, à l’été 2011, rechercher une issue politique, comme vous en aviez vous-même exprimé l’intention, déclarant ainsi le 12 juillet à la tribune du Sénat : « L’intervention militaire n’est qu’un moyen (…) et non une fin. La fin c’est la recherche d’une solution politique. » Vous évoquiez alors un processus politique, souhaitant qu’une force de stabilisation internationale, de préférence une force de l’ONU, soit dépêchée sur place. C’eût été une solution plus sage !
En réalité, nous sommes allés bien au-delà de la « responsabilité de protéger », sur laquelle se fondait la résolution 1973.
Vous avez interprété celle-ci comme si elle permettait le fameux regime change, le changement de régime, contraire au principe de non-ingérence qui, jusqu’à nouvel ordre, guide la doctrine de l’ONU et constitue un principe de notre politique extérieure réaffirmé constamment, y compris par l’un de vos prédécesseurs, M. Kouchner, à l’occasion d’un communiqué franco-chinois signé en avril 2009.
J’ai encore en tête la déclaration de M. le Premier ministre, le 22 mars 2011, devant le Sénat : « Nous appliquons toute la résolution 1973 et rien que la résolution 1973 ». Or nous l’avons appliquée de manière très extensive et ce jusqu’au-boutisme a favorisé le désordre actuel.
Est-il trop tard pour revenir sur le passé ? Non, car en allant bien au-delà de la résolution 1973, vous avez discrédité la « responsabilité de protéger », que l’ONU avait adoptée en 2005, notion qu’elle distinguait bien évidemment du prétendu « droit » ou « devoir d’ingérence ».
La distorsion que l’on a fait subir à ce principe de la « responsabilité de protéger » est telle que l’un de ses vrais inspirateurs, l’ancien ministre des affaires étrangères australien M. Gareth Evans, s’en est ému dans un article récent.
Et nous voilà projetés au cœur du drame syrien ! La « responsabilité de protéger » y serait bien utile, mais elle ne peut s’exercer du fait de l’obstruction de pays comme la Chine et la Russie, lesquelles s’étaient abstenues, le 17 mars 2011, lors du vote de la résolution 1973 relative à la Libye.