Intervention de Alain Juppé

Réunion du 7 février 2012 à 14h30
Débat de politique étrangère

Alain Juppé, ministre d'État :

Cette idée a été reprise au bond lors de la conférence d’Istanbul du 25 novembre dernier. Elle est désormais inscrite à l’ordre du jour international ; nous continuons à y travailler.

Tels sont les différents plans sur lesquels nous agissons avec détermination. Nous voulons offrir aux Afghanes et aux Afghans un avenir, et empêcher, sur cette terre, le retour de menaces non seulement pour le peuple afghan, mais aussi pour nos sociétés. N’oublions pas que nous défendons nos intérêts lorsque nous nous battons contre le terrorisme international. C’est une mission juste que servent nos soldats, avec un professionnalisme et un courage auxquels vous avez tous rendu hommage. J’y ajoute le mien. Comme M. Boulaud l’a souligné, quitter avec précipitation l’Afghanistan serait une très mauvaise attitude, quasi déshonorante pour l’armée française.

Je souhaite maintenant aborder, en réponse plus précisément à M. Carrère, la question de l’Asie, continent qui constitue, vous avez raison, monsieur le président de la commission, un volet majeur de toute politique étrangère. Il y a au moins trois raisons à cela.

Tout d’abord, l’Asie est une zone de tensions : elle compte quatre puissances nucléaires, dont plusieurs connaissent des différends frontaliers ; elle est le théâtre de crises complexes et multiformes – Afghanistan, Corée du Nord.

Ensuite, l’Asie est aussi le moteur de la croissance mondiale. Elle offre un potentiel unique d’exportation et d’investissement.

Enfin, l’Asie, dont six États font partie du G20, joue un rôle politique international croissant. Les puissances asiatiques sont incontournables sur tous les dossiers internationaux.

Prenant la mesure de ces mutations, dès les années quatre-vingt-dix, la France a structuré une politique ambitieuse à l’égard de l’Asie.

Avec plusieurs acteurs particulièrement proches, elle a conclu des partenariats stratégiques, qui fournissent un cadre à des coopérations renforcées dans des domaines d’intérêt national.

Tel a été récemment le cas avec l’Australie où une mission sénatoriale se rendra prochainement, ce dont je me réjouis. Ce pays, géographiquement lointain, est proche de nous dans bien des domaines. Lors de la visite que j’y ai effectuée voilà peu de temps – la première d’un ministre des affaires étrangères français depuis celle de Claude Cheysson, soit depuis 1983 –, j’ai été très impressionné par le changement d’attitude de l’Australie à l’égard de la France. Vous vous en souvenez sans doute, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque j’étais Premier ministre, nous avions relancé quelques expérimentations qui nous ont brouillés avec les Australiens, dont l’un des objectifs était de nous exclure de la zone. Aujourd’hui, a contrario, l’Australie exprime son attachement à la présence française dans la région, car cette présence est un élément de stabilité et de sécurité. Nous avons donc tout intérêt à développer ce partenariat stratégique avec l’Australie.

Nous faisons de même avec l’Indonésie, où le Premier ministre s’est rendu pour signer un partenariat stratégique.

Dans le Pacifique Sud, nous agissons donc en faveur de la sécurité régionale et internationale.

Sur le plan politique, nous contribuons à la démocratisation et au renforcement de l’État de droit, que ce soit en Chine, à travers notre dialogue sur les droits de l’homme, ou en Birmanie, où j’ai vécu récemment des moments d’une grande intensité. Le jour de mon arrivée à Rangoon, le Gouvernement birman venait de libérer plus de 650 prisonniers, dont la quasi-totalité étaient des prisonniers politiques. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec plusieurs d’entre eux. J’ai surtout eu une longue discussion avec Aung San Suu Kyi, que j’ai décorée de la légion d’honneur. Elle m’a fait part de sa conviction selon laquelle le nouveau gouvernement est réellement engagé sur la voie de la libéralisation et de la démocratisation. Les entretiens que j’ai eus le lendemain avec le Président de la République et le président des deux chambres du Parlement m’ont conforté dans cette certitude.

Toutefois, l’affirmation asiatique est telle que nous devons davantage inscrire nos efforts dans un cadre européen.

D’abord, nous devons établir une relation euro-asiatique équilibrée, fondée sur le principe de réciprocité, c’est-à-dire restaurer les conditions d’une relation économique loyale avec des partenaires dont le développement, qui peut inquiéter, est aussi riche de promesses. En interne, l’Europe doit renforcer sa compétitivité par une politique industrielle forte et des investissements massifs dans les activités de recherche et de développement.

Ensuite, nous devons instaurer avec l’Asie une relation responsable, dans laquelle son gain de puissance lui donne non seulement de nouveaux droits, mais aussi de nouvelles responsabilités. Si, d’un côté, nous devons adapter les structures de gouvernance à l’affirmation de nos partenaires asiatiques – Conseil de sécurité, G20, FMI –, nous devons aussi, de l’autre, les amener à relever avec nous les défis mondiaux. Leur participation croissante aux opérations de maintien de la paix va dans le bon sens. Il faut aller plus loin, par exemple, en matière de lutte contre le changement climatique ou de résorption des grands déséquilibres financiers.

Pour terminer, j’évoquerai l’Afrique, sujet qui, vous le savez, me tient particulièrement à cœur.

Je souhaite dire très respectueusement à Mme Tasca que j’ai été profondément déçu par son intervention, qui n’est que la répétition de ce que l’on entend dire depuis vingt ans à propos de l’Afrique, mais qui ne correspond plus à la réalité. Vous êtes encore dans le XXe siècle, madame la sénatrice !

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