Intervention de Alain Juppé

Réunion du 7 février 2012 à 14h30
Débat de politique étrangère

Alain Juppé, ministre d'État :

Je pense aussi au Sénégal. Il est tout à fait paradoxal de nous accuser de soutenir le régime en place. Les messages que j’ai reçus de Dakar ne vont pas exactement dans ce sens, madame la sénatrice !

Quand j’indique que nous n’avons pas à nous ingérer dans les affaires du Sénégal, qu’il revient aux Sénégalais de choisir leur futur président de la République, que nous n’avons pas de candidat pour la future élection présidentielle, que la France souhaite seulement que celle-ci soit transparente, loyale et permette à toutes les sensibilités sénégalaises de s’exprimer, et quand j’ajoute que la relève des générations devra bien un jour se produire, je ne suis pas sûr – je suis même certain du contraire –que Dakar interprète ce discours comme un encouragement au statu quo ! Lorsque je m’exprime en tant que ministre des affaires étrangères, c’est la voix de la France que je fais entendre, c’est le point de vue du Président de la République et du Gouvernement que je relaie.

Une fois de plus, notre attitude à l’égard des événements qui se déroulent au Sénégal prouve bien que nous avons actualisé, modernisé, démocratisé notre politique à l’égard de l’Afrique.

La France est aussi engagée plus que jamais pour aider les Africains à faire face par eux-mêmes aux défis de leur sécurité. Notre dispositif militaire a été adapté. Je rappelle que nous formons les forces africaines qui partent en Somalie au titre de l’Union africaine. Désormais publics et dépourvus de clause automatique d’assistance, la quasi-totalité de nos accords de défense ont été renégociés.

L’horizon de la politique de la France en Afrique est celui du continent tout entier. L’Afrique non francophone est, elle aussi, une zone prioritaire de notre action, comme en témoignent la visite d’État du président Zuma en mars dernier, les partenariats stratégiques que nous avons signés avec le Kenya et l’Afrique du Sud, les voyages que j’ai pu effectuer en Éthiopie, au siège de l’Union africaine, pays où le Président de la République s’était également rendu l’année dernière, ou encore au Nigéria.

Dans le même esprit, nous soutenons sans réserve l’intégration régionale et continentale, qu’elle soit politique ou économique. C’est une priorité pour l’Afrique dans le monde globalisé qui est le nôtre. Les liens que nous avons noués avec l’Union africaine, la CEDEAO ou la SADC et la place que nous avons donnée à l’Afrique au G8 ou au G20 en sont quelques manifestations.

Compte tenu de l’actualité, permettez-moi de dire un dernier mot sur le Mali, pays au sujet duquel M. Boulaud m’a interpelé. La rébellion touarègue a remporté récemment d’importants succès militaires au nord du fleuve Niger. Quels qu’en soient les motifs, nous considérons ce recours à la force inacceptable dans une démocratie comme le Mali. Un cessez-le-feu immédiat est impératif.

Parallèlement, il importe de traiter la question touarègue au fond, ce qui suppose un dialogue entre Bamako et toutes les parties concernées. J’en ai fait part au président Touré. Je salue, en cet instant, son sens de l’unité nationale, qu’il a manifesté dans un discours récent, et je suis confiant dans la capacité du peuple malien à préserver son modèle démocratique. À ce propos, vous avez évoqué, monsieur le sénateur, l’accord d’Alger de 2007.

Peut-être n’ai-je pas répondu à toutes les questions qui m’ont été posées, notamment par M. Boulaud, en particulier sur la situation dans les Balkans où nous essayons également de prendre des initiatives. Nous souhaitons, par exemple, que la Serbie obtienne le plus rapidement possible le statut de candidat à l’Union européenne, car il est important de soutenir dans ce pays les énergies qui se tournent vers l’Europe et non les forces extrémistes ou nationalistes.

Je remercie Jean-Louis Carrère d’avoir constaté que le Quai d’Orsay fait tant avec si peu. On n’a jamais autant cité de papiers écrits de ma modeste plume que la tribune que j’ai cosignée en 2010 avec Hubert Védrine dans laquelle nous déplorions le fait que le ministère des affaires étrangères soit beaucoup « toisé ». Je n’ai pas changé d’avis depuis, même si j’ai essayé de modifier la trajectoire, non sans succès d’ailleurs. J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ces différents points devant votre commission à plusieurs reprises.

Cela étant, si le Quai d’Orsay fait si bien avec si peu, c’est que notre outil diplomatique est de très grande qualité. Je voudrais rendre hommage – fait rare –, à cette tribune, au métier de diplomate, qui prête parfois à des considérations quelque peu ironiques, lesquelles témoignent seulement d’une méconnaissance complète des réalités de la profession. Nos diplomates ne prennent plus le thé à dix-sept heures dans les pays où ils sont affectés. Ils sont très engagés dans notre diplomatie économique et dans notre stratégie d’influence.

C’est parce que notre corps diplomatique et l’ensemble des agents du ministère sont très professionnels, de grande qualité et totalement investis dans la défense des intérêts et de l’image de la France que – j’ai été heureux de l’entendre dire par des membres de la Haute Assemblée qui ne soutiennent pas forcément l’action du Gouvernement – la voix de la France est aujourd’hui attendue et entendue !

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