Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne peut y avoir de politique pénale efficace sans exécution des peines. C’est le fondement même de la justice.
Les magistrats font leur travail, je le dis souvent et c’est la vérité, avec sérieux et conviction ; ils appliquent strictement les lois que vote le Parlement. Pour la crédibilité même de la justice, il est indispensable que les sanctions qu’ils prononcent soient exécutées, d’où l’importance de ce projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines, qui vient poursuivre et amplifier l’effort engagé, depuis déjà plus d’an, avec le plan national d’exécution des peines.
Lors de la précédente lecture de ce texte par votre Haute Assemblée, nous avons constaté que le Gouvernement soutenu par la majorité présidentielle, d’une part, et la majorité sénatoriale, d’autre part, avaient deux visions assez opposées en la matière. L’échec de la commission mixte paritaire a montré que ces positions ne pouvaient être rapprochées.
Je regrette cependant que la commission des lois ait choisi, par la présentation d’une question préalable, de ne pas poursuivre le débat sur ce texte. Les enjeux de la loi de programmation sont, en effet, primordiaux, tant pour garantir la célérité et l’effectivité de l’exécution des peines que pour renforcer nos capacités de prévention de la récidive et améliorer la prise en charge des mineurs délinquants.
Tout d’abord, je crois que chacun de nous reconnaît la nécessité de lutter contre la surpopulation carcérale et de mener une « politique dynamique d’aménagements de peine […] afin de favoriser la réinsertion et […] mieux lutter contre la récidive », pour reprendre les propres termes de Mme le rapporteur.
Toutefois, les moyens pour y parvenir doivent être adaptés à la réalité des besoins et répondre aux exigences fondamentales de notre droit et de notre procédure pénale.
Le numerus clausus et l’automaticité en matière d’aménagement de peine ou de libération conditionnelle, introduits par le Sénat, soulevaient des difficultés de principe et, surtout, n’étaient pas de nature à répondre aux enjeux de l’exécution des peines ou de la surpopulation carcérale.
L’aménagement de peine ne peut en aucun cas être conçu comme une variable d’ajustement pour lutter contre la surpopulation carcérale : son objectif est de préparer à la réinsertion de la personne condamnée, conformément aux conditions posées par la loi du 24 novembre 2009. En l’occurrence, l’automaticité est sans nul doute contraire aux principes posés par cette loi. Ce sont, je le rappelle, la personnalité, le profil et la qualité du projet du condamné qui doivent fonder la décision, toujours prise par un magistrat, d’aménagement de peine.
Depuis le début du quinquennat, contrairement à ce que certains ont avancé, le Gouvernement s’est résolument engagé dans cette voie. Aujourd’hui, 10 700 condamnés bénéficient d’un aménagement de peine sous écrou, sous forme de surveillance électronique, de semi-liberté ou de placement extérieur : c’est 125 % de plus qu’en mai 2007 !
Je veux rappeler aussi qu’une politique pénale et pénitentiaire responsable passe d’abord par l’individualisation de la peine et donc par la recherche d’un équilibre entre l’incarcération et l’aménagement de la peine : ni « tout carcéral », ni aménagement de peine automatique ne peuvent être satisfaisants.
Ensuite, augmenter la capacité du parc pénitentiaire n’est pas mettre en place une politique du « tout carcéral », mais bien répondre à la réalité des besoins. C’est permettre de résorber le stock de peines d’emprisonnement en attente d’exécution, stock que nous avons déjà réduit, mais 85 000 personnes condamnées à la prison ferme sont encore en attente d’exécution de leur peine.
Porter à 80 000 le nombre de places de prison, à l’horizon 2017, comme le prévoit le projet de loi de programmation, nous donnera les moyens pour que soient respectées les exigences fondamentales de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, auxquelles le Gouvernement et le Parlement sont très attachés.
Chacun de nous sait bien, en effet, l’importance qui s’attache à la lutte contre le surencombrement de nos prisons pour garantir la dignité des détenus et pour permettre un véritable travail de réinsertion.
La création des nouvelles places de prison nous permettra d’atteindre un taux d’encellulement individuel conforme aux objectifs de la loi pénitentiaire.
À cet égard, je veux souligner que les nouvelles places résulteront de la construction de nouveaux bâtiments mais aussi du réaménagement de prisons existantes. Je me suis rendu, voilà quelques jours, dans la Manche et j’ai pu constater qu’il était tout à fait nécessaire de conserver, à côté de la prison neuve en construction à Saint-Lô, les prisons de Coutances et de Cherbourg.
Ces deux prisons vont être réaménagées et contribueront naturellement à atteindre le chiffre de 80 000 places, comme celles d’Aurillac ou de Lure, …