… et bien d’autres que nous avons conservées, notamment parce qu’elles correspondent au fonctionnement de certains tribunaux.
Faute de places suffisantes et faute d’établissements adaptés, nous ne pourrons faire en sorte que la détention, au-delà de la peine, soit aussi une période de réinsertion, ce qui permettait de mieux lutter contre la récidive. C’est pourquoi nous avons inscrit dans le projet de loi de programmation la création d’établissements pour courtes peines. Je rappelle que, sur les 85 000 peines d’emprisonnement ferme qui sont aujourd’hui en attente d’exécution, plus de la moitié ont une durée inférieure ou égale à trois mois.
J’en suis d’accord, il serait tout aussi illusoire de croire que toutes ces peines sont éligibles à un aménagement de peine que de penser qu’elles devront toutes être exécutées en prison. Nous avons donc créé des établissements pour courtes peines qui apporteront une réponse adaptée aux objectifs de la loi pénitentiaire.
Je rappellerai simplement les termes de ce texte : la peine d’emprisonnement ferme doit être le « dernier recours », mais, pour autant, dans certains cas, « la gravité de l’infraction, la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire ».
La loi n’a pas entendu prévoir un aménagement systématique des peines inférieures ou égales à deux ans d’emprisonnement. Cet aménagement est laissé à l’appréciation du juge, au regard des garanties sérieuses de réinsertion dont justifie le condamné. C’est à cette condition que nous respectons le principe d’individualisation des peines et que nous permettons aux condamnés de bénéficier d’un véritable parcours d’exécution de peine.
Par ailleurs, dire que nous n’avons pas veillé au renforcement des services pénitentiaires d’insertion et de probation et que le projet de loi de programmation ignore cet objectif essentiel ne correspond d’aucune manière à la réalité de notre action. C’est faux !
Je rappelle que, depuis 2007, les SPIP, les services pénitentiaires d’insertion et de probation, ont vu leurs effectifs s’accroître de plus de 1 100 postes et qu’ils comptent aujourd’hui près de 4 100 personnels, soit plus de 40 % d’augmentation. Cette croissance a été plus forte que celle du nombre de personnes placées sous main de justice, ce qui a permis d’améliorer la qualité du suivi effectué par les conseillers d’insertion et de probation.
Le projet de loi de programmation, qui prévoit la constitution d’équipes mobile dans les SPIP et confie au secteur associatif habilité des enquêtes pré-sentencielles, permet aussi de recentrer l’action des personnels des SPIP sur leur cœur de métier, à savoir le suivi et la réinsertion des condamnés.
Avec ce texte, 132 conseillers seront réaffectés sur le suivi post-sentenciel des condamnés, 88 postes de conseillers d’insertion et de probation mobiles seront créés et 103 psychologues seront recrutés pour mettre en place la pluridisciplinarité dans les services. Cela correspond, au total, à plus de 300 équivalents temps plein travaillé supplémentaires pour les SPIP.
La prévention de la récidive constitue depuis 2007 un objectif majeur de l’action du Gouvernement. La politique de réinsertion en demeure un volet essentiel, mais elle doit s’accompagner d’autres outils qui garantissent le meilleur suivi des condamnés, tels que l’évaluation de la dangerosité, le développement des soins en détention et l’échange d’informations.
Le projet de loi de programmation nous permet de franchir un nouveau pas dans ce sens.
Ainsi, supprimer les dispositions relatives à l’évaluation de la dangerosité des personnes détenues, comme vous l’aviez fait en première lecture, mesdames, messieurs les sénateurs, conduirait à priver les acteurs de la chaîne pénale d’outils indispensables à une meilleure identification des risques de récidive. Je sais que vous n’étiez pas opposés, par principe, à ces outils.
Avec la généralisation du diagnostic à visée criminologique, nous mettons en place une évaluation pluridisciplinaire et systématique des condamnés.
La création de trois nouveaux centres d’évaluation, aux côtés de ceux de Fresnes et de Réau, permet de développer également l’évaluation des condamnés à de longues peines, qui présentent un degré de dangerosité supérieur. Le nombre de condamnés pouvant être évalués annuellement sera ainsi porté à 1 600.
Quant aux dispositions relatives au partage de l’information, l’Assemblée nationale les a rétablies dans leur intégralité.
On sait l’importance d’un tel échange d’informations entre la justice et le médecin dans le cadre d’une obligation de soins ou d’une injonction de soins, ou encore entre l’institution judiciaire et les responsables d’établissements scolaires ou les personnes qui accueillent des mineurs placés sous contrôle judiciaire, pour des crimes ou délits violents ou de nature sexuelle.
L’actualité nous a montré l’urgence de revoir nos règles en la matière. Il est bien évident que, afin d’atteindre cet objectif, nous avons recherché un échange d’informations permettant non seulement de prévenir le renouvellement des infractions particulièrement graves et de garantir ainsi la sécurité de nos concitoyens, mais aussi de veiller au respect des droits du condamné ou du mis en cause.
Enfin, le texte renforce le suivi des soins en détention. Il permettra de s’assurer, dans le respect des exigences du secret médical, que le condamné suit de façon régulière le traitement proposé par le juge de l’application des peines, après expertise médicale concluant à la possibilité d’un traitement. Les attestations délivrées par le médecin traitant et remises par le condamné au juge de l’application des peines permettront à ce dernier de se prononcer en connaissance de cause sur le retrait des réductions de peine, l’octroi de réductions de peines supplémentaires ou d’une libération conditionnelle. Là encore, nous prenons les mesures nécessaires à une action plus efficace de prévention de la récidive.
La meilleure prise en charge des mineurs délinquants constitue le troisième volet du projet de loi de programmation.
L’accroissement du nombre de centres éducatifs fermés, qui s’inscrit dans la continuité de la loi du 10 août 2011, laquelle a élargi les possibilités de placement en centre éducatif fermé, et que l'Assemblée nationale a rétabli dans le texte, ne s’opère pas au détriment des autres structures d’accueil des mineurs. Madame le rapporteur, je crois tout comme vous que nous devons offrir au juge des instruments diversifiés, qui permettent d’adapter la réponse pénale et éducative à la diversité des profils des mineurs. Cela étant, je crois aussi que ces structures, par la prise en charge renforcée et adaptée qu’elles offrent, ont démontré toute leur utilité. Je souhaite donc les développer.
Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est aujourd'hui soumis prévoit-il la création de 20 centres éducatifs fermés supplémentaires, portant la capacité d’accueil dans ces structures à 721 places pour 785 places dans des établissements de placement classique.
En exonérant la direction de la protection judiciaire de la jeunesse de la procédure d’appel à projet pour créer les établissements de placement qu’elle gère en régie, nous permettons que cinq de ces nouveaux établissements puissent ouvrir dès la fin de cette année.
Les moyens de ces structures seront en outre renforcés, notamment en matière de suivi pédopsychiatrique, afin d’offrir une prise en charge parfaitement adaptée des mineurs présentant des troubles du comportement, qui sont nombreux dans ces établissements.
Il est par ailleurs absolument essentiel, pour qu’elle garde tout son sens, qu’une mesure judiciaire prononcée à l’encontre d’un mineur soit exécutée dans un temps très proche de la commission des faits. Le délai maximum de cinq jours imposé entre la date du jugement et la première convocation du mineur et de ses parents devant le service éducatif constitue une avancée incontestable. C’est pourquoi 120 postes d’éducateurs seront créés pour accompagner cette mesure.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de programmation se fixe des objectifs essentiels, nous donnant les moyens, aujourd’hui et pour l’avenir, d’améliorer le taux et les modalités d’exécution des peines. Il apporte des solutions adaptées à la poursuite de deux priorités majeures de toute politique pénitentiaire et pénale que sont la réinsertion et la prévention de la récidive.
Une fois encore, je regrette que la Haute Assemblée ait fait le choix de déposer une motion tendant à opposer la question préalable, alors que je sais combien le Sénat s’est mobilisé en faveur de la réinsertion et de la lutte contre la récidive. Le projet de loi de programmation a fixé des objectifs ambitieux en matière d’exécution des peines, il s’est donné les moyens de les atteindre. Ne nous privons pas de cette chance de renforcer l’efficacité de notre justice et d’améliorer notre politique pénitentiaire ! §