Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 27 février 2012 à 15h00
Exécution des peines — Question préalable

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat, rapporteur :

…qui, depuis longtemps, incite d’autres pays civilisés à regarder la prison de façon différente.

J’ajoute que, lorsqu’on veut faire des comparaisons avec d’autres pays européens, il ne faut pas, comme l’a fait notamment M Bockel, choisir ceux qui nous arrangent… Ainsi, l’Allemagne, que le Gouvernement cite souvent en exemple dans des domaines où elle ne mérite pas toujours de figurer comme un modèle, a opéré une décélération assez importante de l’incarcération au cours des dix dernières années.

Non seulement comparaison n’est pas raison, mais, quand on compare, il faut se montrer honnête et objectif, sans oublier ce qui ne va pas dans le sens de sa propre thèse !

Aujourd’hui, campagne électorale oblige, vous affichez votre intention de poursuivre une politique pénale qui n’a cessé d’aggraver les peines – c’est le moins que l’on puisse dire ! – et d’augmenter les capacités d’emprisonnement.

Monsieur le garde des sceaux, j’ai été très surprise par vos déclarations car, dans l’exposé des motifs du projet de loi de programmation, le propos est différent : au lieu de se fonder sur le nombre actuel des personnes susceptibles d’être incarcérées, on parie sur une augmentation de ce nombre d’ici à 2017 ! §Autrement dit, on n’anticipe pas qu’en 2017 le nombre des personnes susceptibles d’être incarcérées sera à peu près équivalent à ce qu’il est aujourd’hui – ce qui signifierait déjà qu’on n’aurait fait aucun progrès –, mais on prévoit que, sous l’effet de votre politique pénale, le nombre de ces personnes continuera de croître.

Sur la base des évolutions constatées entre 2003 et 2010 – d’ailleurs contraires, puisqu’une décélération s’est produite jusqu’en 2007, suivie d’une accélération –, vous estimez ainsi que le nombre des personnes incarcérées connaîtra d’ici à 2017 une augmentation, jusqu’à atteindre 80 000. Cela est écrit noir sur blanc !

Dans quelques semaines, à l’occasion d’échéances électorales très importantes, nos concitoyens auront tout le loisir de dire s’ils veulent la poursuite de la politique pénale actuellement menée, l’augmentation du nombre de prisons. Ils pourront dire s’ils veulent voir engager pour trente ans des dépenses publiques destinées à payer le loyer de ces établissements, sachant qu’il sera impossible, ensuite, de revenir et que, inévitablement, cela se traduira par une hausse du nombre de personnes incarcérées : il faudra bien faire, en quelque sorte, alimenter la machine et remplir les prisons construites par les grands groupes privés !

En tout état de cause, en cette fin de mandat présidentiel et législatif, il n’est pas acceptable que l’actuelle majorité oblige les futurs gouvernements, quels qu’ils soient, à construire ces places de prison et engage des dépenses pour trente ans.

Telle est la principale raison de notre opposition totale à ce projet de loi.

Monsieur le garde des sceaux, j’apprécie que vous nous proposiez de continuer à débattre. Mais je vous fais observer qu’il y a deux chambres et que la majorité des membres de l’Assemblée nationale, qui a voté ce texte, refuse absolument tout débat avec le Sénat.

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