Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le Sénat est appelé à se prononcer, en deuxième lecture, sur la proposition de loi relative aux formations supplétives des forces armées, adoptée par l’Assemblée nationale, en première lecture, le 20 février dernier.
Ce texte, dont l’initiative revient à notre excellent collègue Raymond Couderc, vise à combler une insuffisance de notre droit pénal.
En effet, si la loi du 25 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés a interdit la diffamation et l’injure en raison de la qualité de harki, elle n’a prévu, comme l’a souligné M. le ministre, aucune sanction pénale, qui aurait donné tout leur effet à ces dispositions. Du fait de cette lacune, des propos inadmissibles, sur lesquels je ne reviendrai pas, ont pu être tenus à l’encontre de cette communauté.
Dans sa version originelle, la proposition de loi ne visait que les harkis et les anciens supplétifs ayant servi en Algérie. Elle tendait à compléter la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en appliquant le même régime de sanction aux diffamations et injures à l’encontre des harkis que celui qui est prévu pour de tels agissements lorsqu’ils sont commis à raison de la religion, de la race, du sexe ou de l’origine de la victime.
Louable dans ses objectifs, le dispositif proposé appelait toutefois deux réserves.
En premier lieu, comme l’avait relevé le secrétaire d’État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants, M. Marc Laffineur, le 19 janvier dernier, lors de l’examen de ce texte en première lecture par le Sénat, la proposition de loi, en ne visant que la communauté harkie, risquait d’« exclure du manteau protecteur de la loi d’autres victimes potentielles parmi les anciens supplétifs des forces armées ».
En second lieu, la formulation initiale de la proposition de loi paraissait assimiler la diffamation ou l’injure à l’encontre des harkis à la diffamation ou l’injure à raison de la race ou de la religion. Or ces délits visent les harkis en raison du choix qu’ils ont fait de soutenir et de défendre la France.
Aussi, conscient de ces difficultés sur lesquelles votre commission des lois avait attiré l’attention, Raymond Couderc avait déposé un amendement, adopté par le Sénat, modifiant la proposition de loi.
Le texte voté par notre assemblée vise donc l’ensemble des forces supplétives et confère à celles-ci la protection reconnue aux forces armées par les articles 30 et 33 de la loi du 29 juillet 1881. C’est enfin entrer par la grande porte !
Face à la diffamation ou à l’injure, tous ceux qui ont choisi de combattre pour la France dans le cadre de ses forces armées pourront ainsi bénéficier d’un régime de protection équivalent à celui qui est reconnu aux militaires stricto sensu ou aux réservistes. La diffamation contre les forces supplétives sera passible d’une amende de 45 000 euros, et l’injure d’une amende de 12 000 euros.
Au-delà de sa portée juridique, ce choix recèle une forte valeur symbolique, qui marque la dette de la nation à l’égard des forces supplétives, des harkis en particulier.
Par ailleurs, la proposition de loi reconnaît aux associations défendant les intérêts moraux et l’honneur des personnes appartenant ou ayant appartenu aux forces supplétives de l’armée française le droit de se constituer partie civile en cas d’injure ou de diffamation.
Les députés ont unanimement adhéré à la démarche du Sénat et, dans la logique qui sous-tend l’amendement adopté par notre assemblée, ils ont également souhaité modifier l’intitulé de la proposition de loi, afin que celle-ci ne fasse plus référence à la loi n° 2005-158 du 23 janvier 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, mais vise, de manière plus générale, les « formations supplétives des forces armées ».
Ces derniers jours, beaucoup se sont interrogés sur le fait de savoir si les harkis faisaient bien partie des forces supplétives au regard de la loi. Mes chers collègues, nous ne sommes pas tous des juristes. Le fait que le terme « harkis » ait disparu de la proposition de loi a créé des tensions et suscité des peurs, notamment auprès de personnes qui, après avoir tant souffert dans leur chair, sont plus que d’autres sujettes à l’inquiétude ; mais je tiens ici à les rassurer.