Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous approchons de la célébration du cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. Le 19 mars prochain, la plupart d’entre nous seront réunis pour honorer la mémoire des victimes de ce conflit né d’un vaste mouvement de décolonisation.
Nous aurons ainsi l’occasion d’exprimer notre devoir de reconnaissance envers tous ceux qui ont payé de leur vie cette brutale déchirure entre le peuple français et le peuple algérien. Et, au-delà du souci permanent que nous devons avoir pour tous les combattants et les civils disparus, n’oublions pas de protéger ceux qui portent encore aujourd’hui les blessures de la guerre d’Algérie : les Français rapatriés, les appelés du contingent et, bien sûr, les harkis, dont le sort difficile a motivé le dépôt de la présente proposition de loi.
Cette initiative complétera les dispositifs matériels et de reconnaissance à l’égard d’hommes, de femmes et d’enfants qui sont passés d’une rive de la Méditerranée à l’autre dans des conditions tragiques.
Mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour examiner, en deuxième lecture, cette proposition de loi visant à remédier aux carences de la loi du 23 février 2005.
En mars 2007, lors de sa campagne électorale, le candidat Nicolas Sarkozy, devenu Président de la République – et il est de nouveau, cette année, candidat à la présidence de la République –, avait pris un engagement dans ce domaine en déclarant : « Si je suis élu, je veux reconnaître officiellement la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre de harkis et d’autres milliers de musulmans français qui lui avaient fait confiance, afin que l’oubli ne les assassine pas une nouvelle fois. » Les harkis ont attendu pendant cinq ans la concrétisation de cette promesse, aujourd’hui matérialisée par ce texte sur lequel a été engagée la procédure accélérée lors de la première lecture.
Cela étant, depuis sa rédaction initiale, ce texte a très largement évolué, notamment lors de son examen par l’Assemblée nationale le 20 février dernier.
Il s’agissait de sanctionner pénalement l’injure et la diffamation proférées à l’encontre des harkis et de permettre aux associations d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne le délit de diffamation ou d’injures. Ce texte recouvre aujourd’hui l’ensemble des forces supplétives. Il était temps de réparer cette injustice à l’égard des forces supplétives, notamment des harkis !
Imaginons, en effet, un instant ce qu’il a dû en coûter aux 90 000 harkis et à leurs familles, partis d’un pays qui n’était plus vraiment le leur et qui sont arrivés dans une France mal préparée, pour ne pas dire « mal accueillante », qui souhaitait tourner la page.
En effet, les conditions d’accueil en France de ceux qui ont été membres des forces supplétives françaises en Algérie entre 1954 et 1962 se sont révélées particulièrement précaires ; nous en connaissons tous les limites. Moi-même, j’ai pu le constater dans le département de l’Hérault, qui a fait partie des vingt-huit départements désignés pour loger les harkis dans des structures d’urgence.
Parqués dans des cités ou des hameaux de forestage, les harkis et leurs descendants ont longtemps connu la relégation plutôt que l’intégration. La République a failli. Notre pays a manqué à ses devoirs de solidarité et de fraternité. Depuis lors, c’est vrai, même si tout n’a pas été mis en œuvre et si tout n’est pas parfait, le législateur a progressivement réparé ces manquements.
Cette proposition de loi vise à protéger les harkis d’une éventuelle humiliation morale qui s’ajouterait à un quotidien déjà bien difficile. Comment faire taire tous ceux qui auraient oublié que les harkis se sont battus aux côtés de la France, contraints, ensuite, de changer définitivement d’horizon ? Déracinés de leur terre natale par la guerre, les harkis ont suffisamment souffert pour ne pas devoir se battre encore aujourd’hui contre l’opprobre.
Ainsi, le texte que nous examinons aujourd’hui vise à remédier à la carence de la loi du 23 février 2005, dont l’article 5 prohibe « toute injure ou diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur qualité vraie ou supposée de harki ». La jurisprudence a démontré que, en l’espèce, le droit commun n’était pas applicable. En effet, les harkis ne constituent pas un groupe ethnique, national ou religieux.
Aussi, cette proposition de loi, telle qu’elle a été modifiée et enrichie, complétera le dispositif juridique d’interdiction de la diffamation et de l’injure à l’égard des anciens harkis ou de leurs descendants, principale mesure de la loi du 23 février 2005, qui avait omis de préciser les sanctions applicables aux contrevenants.
Je souhaite donc que nous soyons très vigilants sur la rédaction de cette proposition de loi, afin de ne pas laisser un vide juridique qui risquerait de pénaliser de nouveau la communauté harkie.
En effet, le terme « assimilés » n’a pas été retenu lors de la rédaction de la proposition de loi, alors que la notion de « forces supplétives et assimilés » figure dans tous les autres textes législatifs.
Dès lors, pourquoi se priver d’apporter une précision supplémentaire à ce texte ? Et pourquoi ne pas spécifier que celui-ci concerne « les forces supplétives et assimilés, notamment les harkis » ?
Si les forces supplétives étaient plurielles, les harkis en représentaient une part importante, et ils ont payé très cher leur engagement aux côtés de la France. Parmi toutes les forces supplétives, ce sont les harkis qui ont fait l’objet de stigmatisation et de discrimination. Ils ont été – et sont toujours – les plus visés par les injures. C’est la raison pour laquelle il me paraît important d’apporter cette précision.
Mes chers collègues, comme l’ensemble des membres du groupe du RDSE, j’apporterai mon soutien à cette proposition de loi, dont l’article unique est de nature à garantir des droits aux harkis, et c’est bien là l’essentiel. J’espère que ce texte contribuera au respect collectif de la dignité des harkis ! §