Intervention de Raymond Couderc

Réunion du 27 février 2012 à 15h00
Formations supplétives des forces armées — Discussion en deuxième lecture et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Raymond CoudercRaymond Couderc :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre nation reconnaît les militaires qui se sont battus pour notre pays et les honore régulièrement par des célébrations annuelles. Elle reconnaît les résistants qui, aux heures les plus sombres de notre histoire, ont su défendre notre indépendance et notre droit à exister.

Pourtant, il subsiste jusqu’à ce jour une catégorie souvent négligée, celle des forces supplétives de l’armée française. En effet, dans tous les pays où la France a exercé sa souveraineté, l’armée française a recruté, parmi les populations locales, des hommes comme soldats de métier, conscrits ou supplétifs. Ces combattants, auxiliaires ou réguliers, ont été engagés, aux XIXe et XXe siècles, dans toutes les campagnes militaires de la France. Ils ont été parfois victimes, à l’issue des guerres, du soutien qu’ils avaient accordé à notre pays, puis oubliés de notre nation durant plusieurs décennies. Il convient désormais de s’attarder sur leur sort et de combler les lacunes juridiques existantes.

Ainsi, la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, sur laquelle s’appuyait la première version de ma proposition de loi, a marqué une étape importante dans la reconnaissance des forces supplétives, en prévoyant, entre autres, l’interdiction de toute injure ou diffamation commise, pour ce qui nous concerne, envers d’anciens membres des formations supplétives ou assimilés en raison de cette qualité, ainsi que de toute apologie de crimes commis envers eux. Pourtant, par ses lacunes, s’agissant notamment des mesures coercitives, cette loi ne réglait pas définitivement la question.

C’est pourquoi j’ai décidé de déposer, en février 2010, une proposition de loi modifiant la loi précitée à la suite de plusieurs affaires d’injures et de diffamations prononcées à l’encontre de harkis, que les autorités judiciaires ont malheureusement classées sans suite. Ces décisions ont été perçues comme une injure à la mémoire de ceux qui sont morts pour avoir choisi la France.

À ce titre, permettez-moi de faire une petite incidente.

Cinquante ans après la fin de la guerre d’Algérie, il est frappant d’observer à quel point les plaies restent vives chez ceux qui ont quitté l’Algérie, de gré ou de force. Nous devons donc porter une attention toute particulière aux mots que nous employons et aux phrases que nous prononçons, pour éviter de heurter qui que ce soit ou de jeter de nouveau de l’acide sur les plaies.

Comme vous le savez également, j’ai déposé, lors de la première lecture de cette proposition de loi, un amendement qui tenait compte des réactions suscitées par ce texte auprès des associations concernées. Mon objectif était alors de mieux traduire la réalité de l’engagement militaire qui fut celui des formations supplétives et de renforcer la sécurité juridique du dispositif pénal envisagé.

Ainsi, cet amendement visait à assimiler aux forces armées les personnes qui se sont engagées en faveur de la France lors d’un conflit armé, notamment au sein des formations supplétives, ce qui concerne, entre autres, les anciens membres des formations supplétives ayant servi en Algérie, notamment les harkis.

Cet amendement ayant été adopté, la présente proposition de loi tend désormais à compléter en ce sens l’article 30 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui réprime la diffamation envers les forces armées, pour y inclure les formations supplétives.

En première lecture à l’Assemblée nationale, Élie Aboud, rapporteur de cette proposition de loi, a fait le choix, en commission des lois, de modifier l’intitulé de ce texte, afin que celui-ci reflète mieux les corrections apportées par le Sénat. Par la suite, l’Assemblée nationale a adopté ce texte à la quasi-unanimité. J’en suis tout à fait satisfait, et je tiens à remercier nos collègues députés de leur travail.

Par ailleurs, la semaine dernière également, les membres de la commission des lois du Sénat ont adopté à l’unanimité la présente proposition de loi, illustrant, s’il en est encore besoin, l’importance et la nature consensuelle de celle-ci : les formations supplétives et les harkis le méritent bien.

Une nouvelle fois, je tiens donc à remercier de son investissement personnel notre collègue Sophie Joissains, rapporteur de cette proposition de loi au Sénat, ainsi que nos quarante-cinq collègues qui ont cosigné et soutenu ce texte. Je souhaite désormais que cette proposition de loi aboutisse rapidement, et ce pour le bien des forces supplétives de l’armée française et de leur mémoire. §

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