Intervention de Rama Yade

Réunion du 26 juin 2007 à 16h00
Protocoles relatifs à l'abolition de la peine de mort — Adoption de deux projets de loi

Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter le protocole n° 13 à la convention européenne des droits de l'homme, signé par la France le 3 mai 2002, ainsi que le deuxième protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort, adopté dans le cadre des Nations unies le 15 décembre 1989.

Le processus de ratification de ces protocoles a été engagé à la fin de l'année 2002, mais un doute subsistait à la suite de l'interprétation donnée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 mai 1985.

En effet, en raison de l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances, à laquelle ces deux protocoles conduisent, il était nécessaire de savoir si leur ratification pouvait être de nature à faire obstacle à un éventuel rétablissement de la peine de mort par le Président de la République au titre des pouvoirs exceptionnels qu'il tire de la Constitution, notamment de l'article 16.

Saisi par le Président de la République le 22 septembre 2005, le Conseil constitutionnel a eu un raisonnement distinct pour les deux protocoles et a estimé que le protocole n° 13 ne contenait aucune clause contraire à la Constitution.

Si le protocole n° 13 exclut toute possibilité de dérogation et de réserve, le Conseil constitutionnel s'est cependant fondé sur la possibilité de dénonciation de ce protocole découlant de l'article 58 de la Convention européenne des droits de l'homme pour juger qu'il ne porte pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

Rien ne s'opposait donc à la ratification rapide de ce protocole n° 13.

Le Conseil constitutionnel a conclu différemment s'agissant du deuxième protocole facultatif. Ce dernier, en effet, exclut toute dérogation et n'autorise qu'une seule réserve pour les législations applicables en temps de guerre aux crimes de caractère militaire d'une gravité extrême.

Cette réserve n'est possible qu'au moment de la ratification et le protocole ne peut être dénoncé par la suite.

C'est pourquoi, estimant que l'adhésion à ce protocole, qui touche à un domaine inhérent à la souveraineté nationale, lierait irrévocablement la France même dans le cas où un danger exceptionnel menacerait l'existence de la nation, le Conseil constitutionnel a conclu que le deuxième protocole portait atteinte aux conditions essentielles de la souveraineté et que sa ratification ne pouvait intervenir qu'après la révision de la Constitution.

Compte tenu de l'objet similaire des deux protocoles, il a été jugé préférable d'attendre la nécessaire révision constitutionnelle qui a eu lieu le 19 février dernier pour relancer les deux processus de ratification.

Ce 19 février, le Parlement, réuni en Congrès à Versailles, a procédé à ladite révision et a donné un caractère irréversible à l'abolition de la peine de mort en inscrivant dans la Constitution, par l'article 66-1, que nul ne peut être condamné à mort.

Cette révision est la consécration de l'action engagée par la France pour l'abolition de la peine de mort depuis la loi du 9 octobre 1981.

Désormais, la ratification de ces deux protocoles est juridiquement possible. Politiquement, elle marque un engagement très fort de la France en faveur des droits de l'homme.

À ce stade, le protocole n° 13 a été ratifié par trente-neuf États membres du Conseil de l'Europe, dont vingt-deux de l'Union européenne. Ce protocole est entré en vigueur au 1er juillet 2003.

Quant au deuxième protocole, se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort, soixante États membres de l'ONU l'ont ratifié à ce jour, dont vingt-quatre des États membres de l'Union européenne. Celui-ci est entré en vigueur le 11 juillet 1991.

Avec la ratification du protocole n° 13 et l'adhésion au deuxième protocole facultatif, la France parachèvera le processus d'exclusion de la peine de mort.

Aussi, je vous remercie à l'avance de l'autorisation que vous voudrez bien donner, mesdames, messieurs les sénateurs, pour que la France devienne partie à ces deux protocoles.

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