Intervention de Rama Yade

Réunion du 26 juin 2007 à 16h00
Convention du conseil de l'europe sur la lutte contre la traite des êtres humains — Adoption d'un projet de loi

Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je viens en dernier lieu solliciter de votre Haute Assemblée l'autorisation de ratifier la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

En dépit de l'abolition de l'esclavage par les États européens au milieu du xixe siècle, il en subsiste malheureusement dans nos sociétés des manifestations d'autant plus graves qu'elles sont clandestines et généralement dissimulées sous de fausses apparences. Destructrices pour les victimes, elles sont en revanche particulièrement lucratives pour les trafiquants.

Ce phénomène est déjà pris en compte par la communauté internationale. Ainsi la convention contre la criminalité transnationale organisée, dite convention de Palerme, adoptée en novembre 2000, est-elle assortie d'un protocole spécifiquement consacré à la traite des êtres humains et qui en a le premier donné une définition sur le plan international.

La France est partie à cet instrument universel, qu'elle a ratifié en 2003 et qui comporte des dispositions de nature pénale et d'autres en faveur des victimes.

Ces efforts de la communauté internationale ont été prolongés au sein de l'Europe, au niveau tant de l'Union européenne que du Conseil de l'Europe.

Ce dernier, fortement mobilisé sur ces questions, a souhaité l'élaboration d'un instrument spécifique sur la traite des êtres humains couvrant toutes les formes de traite, qu'elles soient nationales ou transnationales, renforçant la protection des victimes et mettant en place un mécanisme de suivi fort pour assurer le respect par les États parties de leurs engagements conventionnels.

La convention a été ouverte à la signature lors du troisième sommet des chefs d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe qui s'est tenu à Varsovie le 16 mai 2005. La France l'a signée le 22 mai 2006.

À ce stade, vingt-neuf États l'ont signée et sept l'ont ratifiée. Lorsque la France l'aura également ratifiée, seules deux ratifications complémentaires seront nécessaires pour en permettre l'entrée en vigueur.

Permettez-moi d'évoquer rapidement, sans prétendre à l'exhaustivité, les éléments essentiels de la convention soumise à votre approbation, qui constituent autant d'éléments de valeur ajoutée.

La définition de la traite demeure inchangée par rapport à celle qui a été retenue dans le protocole de Palerme. Tel était le souhait des États membres du Conseil de l'Europe, qui n'ont pas entendu remettre en cause les standards de l'ONU mais ont souhaité construire sur ce précédent pour aller plus loin. En revanche, la convention définit la notion de victime, ce qui n'est pas le cas du protocole à la convention de Palerme.

Le chapitre consacré aux droits des victimes constitue le coeur de la convention. Contrairement à celui de l'ONU, ce texte ne se veut pas incitatif mais contraignant, ce qui renforce singulièrement les droits des victimes.

En particulier, il institue un délai de réflexion d'au moins trente jours au bénéfice d'une victime, pendant lequel aucune mesure d'éloignement du territoire ne peut être exécutée à son encontre. Cette mesure, particulièrement attendue par les associations de lutte contre la traite, permettra aux victimes d'être soustraites aux trafiquants sans risquer l'éloignement du territoire et de prendre, librement et hors de toute pression, la décision de porter plainte ou non pour les infractions commises à leur encontre. Pendant ce délai, les victimes bénéficieront de différents droits, comme l'accès aux soins médicaux d'urgence.

La convention consacre par ailleurs le principe de la non-sanction de la victime qui a agi sous l'effet de la contrainte, demande forte des associations de lutte contre la traite des êtres humains.

Un mécanisme ambitieux de suivi de la mise en oeuvre de la convention par un groupe d'experts est créé.

Pour ce qui concerne la France, notre droit interne est conforme aux exigences de la convention.

Ainsi, en matière de prévention, les actions menées le sont essentiellement par des associations, lesquelles sont subventionnées et encouragées par les pouvoirs publics.

En outre, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, modifié par la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à tout étranger portant plainte pour des faits de traite des êtres humains.

Je veux également insister sur la diffusion prochaine, avec l'appui du ministère de la santé, d'un document d'aide à l'identification pratique des victimes.

S'agissant des enquêtes, des poursuites et du droit procédural, les dispositions du droit interne correspondent parfaitement aux exigences conventionnelles. Ainsi, la France dispose d'un office central pour la répression de la traite des êtres humains, placé sous la responsabilité de la direction centrale de la police judiciaire du ministère de l'intérieur.

L'entrée en vigueur de cette convention est attendue avec intérêt par de nombreuses organisations non gouvernementales ou associations d'aides aux victimes de la traite qui en espèrent une amélioration dans la lutte contre ce phénomène et dans l'aide apportée aux victimes. Elle contribuera à renforcer les efforts de la communauté internationale dans la lutte contre un fléau qui doit nous mobiliser et associer étroitement les États dits d'origine et les États qualifiés de destination.

Sa ratification par la France, dont les autorités sont pleinement engagées dans la lutte contre cette forme particulièrement odieuse de criminalité et qui ont soutenu dès l'origine les efforts du Conseil de l'Europe en faveur d'un texte ambitieux, y contribuera et sera un signe supplémentaire de notre détermination à lutter contre ce fléau et à accompagner au mieux les victimes.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales stipulations de la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains qui est aujourd'hui soumise à votre autorisation de ratification.

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