Intervention de Josselin de Rohan

Réunion du 12 juillet 2010 à 15h00
Action extérieure de l'état — Discussion des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Josselin de RohanJosselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ayant le réseau culturel le plus dense au monde, la France a fait depuis longtemps de la promotion de sa culture et de sa langue hors de ses frontières un élément essentiel de sa diplomatie.

Alors que d’autres pays renforcent les moyens consacrés à leur diplomatie d’influence, à l’image de la Chine avec les instituts Confucius, et au moment où la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a élevé la diplomatie dite « de l’intelligence », ou smart power, au rang de priorité de sa politique étrangère, la France doit rester fidèle à ce qui fait sa vocation universelle.

Depuis déjà de nombreuses années, le Parlement, le Sénat en particulier, appelle de ses vœux une réforme de notre diplomatie d’influence.

Les commissions des affaires étrangères et de la culture de la Haute Assemblée ont beaucoup travaillé sur ce sujet. Ainsi, l’an dernier, à l’issue d’une série d’auditions portant sur l’action culturelle de la France à l’étranger, nous avons publié un rapport d’information contenant dix recommandations, qui ont été adoptées à l’unanimité par les membres de ces deux commissions.

Dans le droit fil de ces recommandations et sur l’initiative du rapporteur de la commission des affaires étrangères, Joseph Kergueris, et du rapporteur pour avis de la commission de la culture, Louis Duvernois, le Sénat a apporté plusieurs compléments au projet de loi pour conforter la réforme de notre diplomatie d’influence.

Je tiens en cet instant à rendre hommage au travail effectué par nos deux collègues et à la très bonne entente qui a prévalu entre les deux commissions.

Je tiens également à saluer la très large convergence de vues avec nos collègues de l’Assemblée nationale, notamment le rapporteur, Hervé Gaymard, et le président de la commission des affaires étrangères, Axel Poniatowski, ainsi que l’esprit consensuel qui a présidé aux travaux de la commission mixte paritaire.

Je veux enfin vous remercier, monsieur le ministre, non seulement d’être à l’initiative de cette réforme, en dépit de certaines réticences ou résistances, mais aussi d’avoir eu la volonté continue d’y associer étroitement les parlementaires.

Le Sénat a apporté des améliorations sensibles au projet de loi présenté par le Gouvernement.

Tout d’abord, nous avons estimé indispensable de placer la nouvelle agence culturelle, qui s’appellera « Institut français », sous une tutelle unique clairement identifiée. Et, compte tenu de l’importance de la dimension culturelle pour notre diplomatie, il nous a semblé essentiel de confier cette tutelle au ministre des affaires étrangères et européennes.

Cela ne signifie pas pour autant que les autres ministères, comme celui de la culture, ne doivent pas être étroitement associés à la définition des priorités de notre action culturelle. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité instituer un conseil d’orientation stratégique de l’action culturelle extérieure, au sein duquel tous les ministères concernés pourront exprimer leur point de vue et élaborer conjointement les priorités assignées à notre action culturelle à l’étranger.

Il nous a également semblé nécessaire d’associer étroitement les collectivités territoriales ainsi que les alliances françaises, notamment au moyen d’instances consultatives.

La question la plus délicate a porté sur le rattachement ou non du réseau des centres et instituts culturels français à l’étranger à l’agence chargée de la coopération culturelle. Comme vous le savez, les deux commissions sénatoriales saisies s’étaient prononcées à l’unanimité en faveur d’une telle mesure, position partagée par l’Assemblée nationale.

Cependant, compte tenu des nombreuses difficultés juridiques et administratives soulevées par ce rattachement – notamment le statut des personnels et le coût budgétaire, évalué entre 20 et 50 millions d’euros –, nous avons toujours estimé que ce dernier ne pouvait se faire que de manière progressive, à l’image du précédent d’UBIFRANCE. Je rappelle que près de 130 établissements culturels et plus de 6 000 agents seraient concernés, soit le tiers des effectifs du ministère des affaires étrangères.

Nous avons donc pris acte de votre décision, monsieur le ministre, de reporter à trois ans votre décision sur ce rattachement.

Toutefois, sur l’initiative de M. le rapporteur et de M. le rapporteur pour avis, le Sénat a souhaité inscrire cet engagement dans la loi, en prévoyant une clause de rendez-vous. Pendant un délai de trois ans après l’entrée en vigueur de la future loi, le Gouvernement devra remettre chaque année au Parlement un rapport comprenant une évaluation des modalités et des conséquences de ce rattachement. Dans l’intervalle, des expérimentations devront être menées dans une dizaine de postes représentatifs au moins. Ainsi serons-nous en mesure de nous prononcer en toute connaissance de cause.

Surtout, nous avons estimé indispensable d’établir dès à présent un lien renforcé entre l’agence et le réseau culturel à l’étranger.

Comme nous l’avions souligné dans le rapport d’information conjoint, la gestion des ressources humaines constitue sans doute une faiblesse de notre réseau culturel à l’étranger.

Les personnels appelés à diriger les centres culturels ne se voient proposer qu’une formation de cinq jours. À titre d’exemple, la formation initiale est de six mois en Allemagne. La durée d’immersion dans un pays est relativement courte, de l’ordre de trois années, alors qu’elle est de cinq ans pour le British Council et l’Institut Goethe. Enfin, l’Allemagne et le Royaume-Uni offrent de bien meilleures perspectives de carrière aux agents de leur réseau culturel à l’étranger que la France.

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