Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 6 mars 2012 à 14h30
Gouvernance de la sécurité sociale et mutualité — Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a essentiellement pour objet de fusionner la CRAM et la CRAV d’Alsace-Moselle au sein d’une caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, ou CARSAT, par alignement sur l’organisation qui prévaut pour le reste du territoire. Une telle démarche permettra de renforcer la cohérence territoriale de l’Alsace-Moselle, en maintenant un organisme unique et important, fort de 1 100 salariés au service de 650 000 retraités, 80 000 entreprises et 2 800 000 assurés sociaux.

La fusion de la CRAM et de la CRAV en Alsace-Moselle aurait dû être réalisée plus rapidement. Le retard est principalement dû au fait que les deux caisses fonctionnaient selon un régime local spécifique, dont les particularités – j’en dirai quelques mots tout à l’heure – ont nécessité un travail de rapprochement plus profond et plus concerté qu’ailleurs. En effet, les CRAV avaient été maintenues en Alsace-Moselle, tandis qu’ailleurs les CRAM assuraient leurs missions jusqu’à la création des CARSAT. La fusion était donc plus aisée à réaliser dans les autres régions françaises.

Nous sommes favorables à ce texte, d’autant qu’il reprend un amendement que j’avais déposé avec mes collègues Jean-Marc Todeschini, Patricia Schillinger, Roland Ries et Ronan Kerdraon lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, mais qui avait été rejeté par le Conseil constitutionnel en tant que « cavalier social ». En ce début d’année, nous avions également été à l’origine d’une proposition de loi relative à la gouvernance de la sécurité sociale en Alsace-Moselle.

Nous regrettons le retard supplémentaire qui a été pris du fait des mécanismes institutionnels. En effet, avant la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, le Parlement avait déjà adopté, en juillet 2011, la disposition législative nécessaire, lors de l’examen du projet de loi modifiant certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Le Conseil constitutionnel avait alors annulé l’article concerné, au motif qu’il n’avait pas de lien avec le texte en discussion.

C’est la raison pour laquelle le délai prévu pour la mise en œuvre de la fusion, qui devait intervenir le 1er janvier 2012, n’a pu être respecté. Avec ce texte, la création de la CARSAT sera effective le 1er avril 2012, conformément à la volonté des conseils d’administration de la CRAM et de la CRAV, lesquels se sont prononcés en faveur de cette création en mars 2010.

Rapprocher les deux organismes, c’est aussi préserver une cohésion sociologique, culturelle et historique en fédérant deux organismes héritiers et opérateurs du droit local d’Alsace et de Moselle. La nouvelle entité aura donc un fonctionnement similaire à celui des CARSAT, tout en intégrant les spécificités issues du droit local.

En effet, il existe dans les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, qui ont connu l’annexion, un ensemble de règles – des lois et des décrets – héritées du droit allemand établi sous Bismarck. Lors du retour de l’Alsace-Lorraine à la France en 1918, le législateur préféra, à une brutale et massive insertion de l’ensemble de la législation française, une introduction par matières, ainsi que le maintien de dispositions de droit local inconnues du droit français et reconnues techniquement supérieures à la législation française équivalente.

Ces règles concernent différents domaines : les associations, la chasse, le droit du travail, le droit communal, la justice, les jours fériés supplémentaires et la législation sociale, sujet qui nous intéresse aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle il existe un régime d’assurance maladie complémentaire obligatoire géré par un organisme autonome.

J’en rappellerai le principe, sans entrer dans les détails. Il s’agit d’un complément au régime général, financé par les cotisations des salariés et des retraités, qui lui reversent 1, 5 % de leurs revenus. Cette surcotisation offre en retour un taux de remboursement des actes médicaux et des médicaments de 90 %, alors que, dans le reste de l’Hexagone, ce taux n’est que de 70 %. Le forfait hospitalier, pour sa part, est couvert à 100 %.

Ce régime local retient toutes les attentions, en raison notamment de sa bonne santé financière. Ainsi, en décembre dernier, on annonçait que son exercice 2011 avait été excédentaire et qu’en conséquence une baisse de 0, 1 % des cotisations des affiliés serait décidée pour 2012.

Une question légitime se pose alors régulièrement aux pouvoirs publics : pourquoi ne pas étendre ce système au niveau national, alors que la sécurité sociale n’est bien souvent évoquée dans le pays qu’en raison de ses déficits abyssaux ? Notre commission des affaires sociales a ainsi demandé, en novembre dernier, une enquête à la Cour des comptes, afin d’ouvrir le débat.

Pour en revenir plus spécifiquement au régime local d’assurance maladie, la cotisation est due par tous les salariés du secteur privé et les contractuels de droit public qui exercent leur activité dans l’un des trois départements. Les textes prévoient également qu’elle est acquittée par ceux qui travaillent en dehors de l’Alsace-Moselle si le siège social de leur entreprise est situé dans ces départements.

Cependant, comme l’a souligné la Cour des comptes, cette dernière disposition est difficilement applicable en pratique. C’est pourquoi la présente proposition de loi permet aussi de simplifier les critères d’affiliation, afin de mettre en conformité la pratique et les textes. Nous sommes également favorables à cette mesure, d’autant que la suppression du principe d’affiliation des salariés travaillant en dehors de l’Alsace-Moselle est heureusement assortie d’une clause de sauvegarde, ceux qui étaient affiliés au 31 décembre 2011 conservant le bénéfice de ce régime.

S’agissant de la gouvernance, seuls des représentants de l’instance de gestion du régime local d’assurance maladie d’Alsace-Moselle, d’une part, et de la Fédération nationale de la mutualité française, d’autre part, viendront compléter le conseil d’administration de la CARSAT, composé donc de vingt et un membres. On peut d’ailleurs regretter que les représentants des familles et du personnel ne disposent, comme c’est souvent le cas, que d’une voix consultative. Plus que jamais, la démocratie sociale doit prendre en compte la voix des affiliés cotisants et des institutions représentatives du personnel, qui ne peuvent se faire entendre suffisamment.

Pour ce qui concerne les articles 2 et 3, relatifs, respectivement, au RSI et au Conseil supérieur de la mutualité, j’aurai moins de remarques à formuler.

Pour le RSI, il ne s’agit finalement que de prolonger le mandat des administrateurs en place jusqu’au 30 novembre 2012, soit après l’élection présidentielle, de manière à repenser la gouvernance de ce régime, qui visiblement pose un vrai problème, et à tenir compte de la contestation des représentants des professions libérales à cet égard. C’est donc une formule de sagesse.

En ce qui concerne le Conseil supérieur de la mutualité, une volonté de simplification, tout à fait compréhensible, explique la mise en place d’un système de désignation, plutôt qu’une élection, par les fédérations et unions de la mutualité, désignation dont les modalités sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.

Cependant, on peut s’interroger sur la portée symbolique de ce choix. En effet, il n’est jamais bon de transformer un vote, expression de la démocratie, en une désignation, quand bien même, comme dans le cas précis du Conseil supérieur de la mutualité, toutes les fédérations garderaient un siège et que les membres désignés devraient répondre à un certain nombre de critères.

Cela étant, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, mon groupe, vous l’aurez bien compris, mes chers collègues, votera ce texte, dont une bonne partie reprend l’amendement que nous avions déposé sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, ainsi que notre propre proposition de loi.

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