Intervention de Ronan Kerdraon

Réunion du 6 mars 2012 à 14h30
Gouvernance de la sécurité sociale et mutualité — Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi vise à améliorer la gouvernance de notre système de sécurité sociale, d’une part au niveau local, en Alsace-Moselle, avec la création d’une caisse d’assurance retraite et de la santé au travail d’Alsace-Moselle ; d’autre part au niveau national, avec la révision de la composition du conseil d’administration de la Caisse nationale du régime social des indépendants et des dates de renouvellement de ce conseil, ainsi que la modernisation du Conseil supérieur de la mutualité.

Je tiens à saluer tout particulièrement le travail effectué par notre collègue Patricia Schillinger, dont le rapport, à la fois instructif et pédagogique, nous éclaire sur ces sujets.

Je veux également féliciter nos collègues Gisèle Printz et Jean-Marc Todeschini, lesquels ont beaucoup œuvré en la matière, notamment dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Mon intervention portera uniquement sur le régime local existant en Alsace-Moselle. En effet, la discussion de ce texte a été pour moi l’occasion de découvrir ce régime complémentaire d’assurance maladie qui assure – je l’ai bien noté ! – des remboursements allant jusqu’à 90 % des frais engagés par l’assuré, le forfait hospitalier étant, si je ne m’abuse, couvert à 100 %.

Peu connu hors des frontières des départements d’Alsace-Moselle, ce régime, comme d’autres particularités de ces régions, est hérité de leur rattachement à l’empire allemand entre 1871 et 1918.

Depuis lors, un tel régime n’a jamais été remis en cause, même s’il a pu connaître quelques difficultés passagères, notamment dans les années quatre-vingt-dix.

Sur quelles bases repose-t-il ? Les salariés, et eux seuls, paient une cotisation obligatoire, représentant 1, 5 % de leurs revenus, ce qui leur garantit une meilleure prise en charge et de meilleurs remboursements.

Le régime est géré uniquement par les représentants des salariés et présente la particularité, quelque peu exceptionnelle par les temps qui courent, d’être excédentaire.

Comme l’a rappelé Gisèle Printz, une gestion particulièrement saine a même conduit, en 2012, à une baisse du taux de cotisation, qui est passé de 1, 6 % à 1, 5 %.

La population ainsi couverte, assurés et ayants droit, représente environ 2, 3 millions de personnes et se répartit en trois grandes catégories : les salariés travaillant en Alsace ou en Moselle, les chômeurs et les retraités ou préretraités, soit 80 % de la population des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin – ils existent toujours un petit peu ! – ainsi que de la Moselle.

Cela en fait un système de couverture du risque santé tout à fait unique en France. Il s’agit d’un régime complémentaire obligatoire, qui intervient au-delà de la prise en charge du régime général de base et avant intervention éventuelle des organismes complémentaires facultatifs.

Comme parlementaire, Breton qui plus est, et, surtout, en tant qu’usager, je suis particulièrement intéressé et curieux d’approfondir la réflexion sur ce particularisme alsacien-mosellan.

Cette curiosité et cet intérêt s’expliquent, je dois le reconnaître, mes chers collègues, par l’annonce, en décembre dernier, par le régime local lui-même, que l’exercice 2011 avait été excédentaire et que, en conséquence, une baisse de 0, 1 % des cotisations pour les affiliés était décidée pour 2012.

Comment expliquer la bonne santé de ce régime ? Sans doute par une modération des dépenses de santé – 1, 6 % de croissance par an – et par une situation de l’emploi peut-être plus avantageuse qu’ailleurs, source de rentrées de cotisations supplémentaires.

Un autre facteur d’explication réside dans des frais de gestion particulièrement bas, inférieurs à 1 %.

De fait, il est bien naturel de s’interroger sur une éventuelle extension de ce système à l’échelle nationale, surtout au moment où l’on parle des « déficits abyssaux » de la sécurité sociale, pour reprendre les termes employés par Gisèle Printz.

Cette interrogation est d’autant plus légitime qu’en cette période de campagne électorale tous les candidats réfléchissent à l’avenir du financement de notre protection sociale et de notre système d’assurance maladie.

En théorie, rien, à mon sens, ne s’oppose à son extension à l’ensemble du territoire national, mais, en pratique, la question de « l’exportabilité » ou de la transposition de ce régime local à d’autres régions françaises est, j’en suis pleinement conscient, délicate, car elle s’apparenterait à une extension du régime général. Par ailleurs, elle impacterait sans doute fortement les mutuelles et assurances privées du secteur.

Pour autant, je me permets de livrer à votre réflexion cette analyse de Daniel Lorthiois, président du conseil d’administration de l’instance de gestion du régime local d’Alsace-Moselle depuis 1995 : « La seule réponse que nous puissions formuler réside en quelques éléments qui sont tout à la fois culturels, sociologiques et économiques : culturels, car le régime local est doté d’une forte notoriété auprès de la population des trois départements – une enquête d’opinion menée en novembre 2005 le créditait de 99 % de taux de notoriété et de 98 % de taux de satisfaction ; c’est dire le fort attachement de la population à son régime particulier – ; sociologiques et historiques, car mis à part au xixe siècle, le régime local n’a pris la place d’aucun autre organisme complémentaire, ces derniers venant s’ajouter, dans des proportions moindres que dans les autres départements, et s’y étant adaptés ; économiques, enfin, car même si le chômage l’a lourdement frappé ces cinq dernières années, le territoire du régime local conserve un PIB par habitant parmi les plus élevés des régions françaises. »

Pour ce fin connaisseur du dossier, une hausse de 1, 3 point de CSG permettrait de financer la fin du ticket modérateur de la sécurité sociale au profit d’un tel système.

Chacun, dans cet hémicycle, en est bien conscient : si l’on veut conserver un haut niveau de solidarité tout en maîtrisant les finances, il nous faudra faire preuve d’imagination, de créativité et ne nous interdire aucune piste de réflexion.

S’inspirer de ce qui se fait en Alsace-Moselle est donc une piste envisageable. Pour autant, il convient, en matière de protection sociale comme sur d’autres problématiques, d’être prudent et d’éviter toute généralisation qui n’aurait pas été précédée d’une large concertation, d’une réflexion approfondie avec l’ensemble des parties prenantes, à commencer par les partenaires sociaux, et, pourquoi pas, d’une expérimentation.

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