Le regroupement du ministère de la défense à Balard est bien plus qu'un projet bâtimentaire ; c'est un projet de transformation de l'administration centrale de la défense. Il s'inscrit dans la démarche plus globale de modernisation du ministère, qui repose sur une réduction drastique de son format, avec la suppression de 54 000 emplois, conjuguée à la recherche effrénée de gains de productivité en vue d'améliorer substantiellement l'outil de défense français.
Ce projet n'est pas né d'une lubie ; il résulte du constat très pratique posé sur l'état général de vétusté des immeubles et des réseaux informatiques de nos principales emprises parisiennes, ainsi que sur l'inefficacité croissante qui découle de la dispersion géographique des entités du ministère, à commencer par celle des quatre états-majors.
L'opération vise d'abord l'efficacité. Il s'agit de doter la France d'un outil de gestion opérationnelle des crises dans un cadre interarmées qui soit performant, moderne et rationalisé. Le but est aussi une meilleure gestion patrimoniale : la défense n'a pas vocation à occuper des superficies importantes en plein coeur de Paris. Il s'agit également, grâce au regroupement et aux économies d'échelle qu'il permet, d'économiser les deniers publics. Enfin, l'objectif est également d'améliorer les conditions de travail des personnels qui, derrière les grands salons qui donnent sur la place de la Concorde ou les avenues prestigieuses, occupent souvent à plusieurs des petits bureaux étroits qu'un cadre d'entreprise refuserait purement et simplement. Ce projet est enfin l'occasion de réaliser un grand geste architectural pour Paris et pour l'État. J'appelle votre attention sur un point : ne pas faire Balard, ce serait en rester à la situation actuelle, qui est contraire à la réorganisation des armées autour de l'état-major des armées inscrite dans le décret de 2009.
Après le lancement du projet en décembre 2007 lors d'un conseil de modernisation, est venu le temps de la réalisation des études de faisabilité technique et financière durant le premier semestre 2008 et de la mise en place de l'équipe de projet, que je conduis, en octobre 2008. Nous avons fait réaliser, conformément à l'ordonnance de 2004, une évaluation préalable, que la mission d'appui aux PPP de Bercy a examinée en détail avant de juger le projet Balard éligible à un contrat de partenariat en raison de sa complexité et secondairement de l'impact économique positif qui s'ensuivrait.
Je suis, pour reprendre la formule de M. Marini, un agnostique du PPP. Je n'étais pas favorable a priori à cette solution qui s'est imposée de façon évidente du fait de la complexité et de l'ampleur du projet. L'exemple de la rénovation du siège de l'OTAN à Bruxelles en démontre l'intérêt. Sous l'empire de la loi belge, très proche de la maîtrise d'ouvrage publique en France, et des règles spécifiques de l'organisation internationale qu'est l'OTAN, il faudra finalement dix-sept ans pour mener à bien à ce projet lancé en 1999. Or les délais représentent des coûts supplémentaires. Le site de Balard, lui, sera réalisé en sept ans ! Cette différence ne tient pas à une bonne gestion du projet Balard et à une éventuelle mauvaise gestion du projet de l'OTAN. Tel n'est pas le cas. Il tient à la succession et à l'imbrication des procédures de maîtrise d'ouvrage publique classiques.
Parallèlement à l'évaluation préalable et avant d'obtenir l'avis favorable de Bercy, nous avons défini les principes directeurs du projet, validés en janvier 2009, pour élaborer, en association avec l'ensemble des entités du ministère et des experts extérieurs, le programme fonctionnel jusqu'à l'été 2009. Trois candidatures ont été recueillies le 15 juillet, après le dépôt de l'avis d'appel public à la concurrence le 2 juin. Celles-ci ont été admises le 14 septembre. Les trois candidats ont reçu un premier dossier de consultation des entreprises le 22 septembre 2009.
Nous avons innové en prévoyant une compétition architecturale en lieu et place d'un concours international d'architecture. L'idée était de ne pas allonger les délais tout en répondant au souhait du président de la République, chef des armées, d'un geste architectural fort pour ce bâtiment qui incarne dans Paris l'État régalien. Nous avons donc demandé à chacun des candidats de présenter trois cabinets d'architecte et trois projets concurrents parmi lesquels l'État a fait son choix en décembre 2009. Cette procédure, qui a donné satisfaction, a été reprise depuis pour le tribunal de grande instance de Paris.
Le dialogue compétitif s'est poursuivi avec la remise des propositions initiales des trois candidats le 1er février 2010. Après une phase d'échanges écrits et d'auditions, nous avons transmis un deuxième dossier de consultation le 12 mai, suivi d'une nouvelle phase d'échanges écrits et d'auditions, avant un troisième et dernier dossier de consultation le 12 novembre et l'offre finale des trois candidats le 11 janvier 2011.
Au total, le rythme a été soutenu pour un dispositif qui était extrêmement lourd. Nous voulions traiter tous les sujets et mobiliser toutes les expertises, qu'elles soient internes ou externes, afin d'obtenir une évaluation incontestable des offres finales. Nous y sommes parvenus grâce aux 130 membres des 9 commissions techniques autonomes qui ont donné, chacune dans leur domaine de compétence, une notation des trois offres. La commission centrale d'évaluation les a rassemblées pour désigner, le 17 février 2011, l'attributaire pressenti. Le contrat a été signé le 30 mai à l'issue d'une phase très intense de mise au point.
Dans le groupement titulaire du contrat de partenariat, se retrouvent, certes, le constructeur Bouygues, mais aussi Thales pour l'informatique, Sodexo pour les services et le fonctionnement, Exprim pour l'entretien et la maintenance des bâtiments, Dalkia pour l'énergie et deux fonds d'investissements, le Fonds d'investissement et de développement des partenariats public privé (FIDEPPP) et la South Europe infrastructure equity finance (SEIEF), aux côtés de la Caisse des dépôts. Cette dernière, par souci de sécurité du montage financier dans la durée du contrat, détient une minorité de blocage dans la société de projet à hauteur de 34 %.
Le projet de partenariat recouvre la construction du bâtiment principal situé sur la parcelle ouest de Balard pour près de 150 000 m2, la rénovation des bâtiments de la Cité de l'Air, hors celle des deux tours de grande hauteur A et F qui sont en cours de rénovation et doivent être livrées en 2012, et la construction d'immeubles de bureaux sur l'extrémité ouest du site pour 90 000 m2. Avec ces 400 000 m2 de SHON, il s'agit du plus grand projet bâtimentaire en région parisienne de ces dix dernières années, voire des dix prochaines.
Avec ce contrat global, nous achetons un ministère clé en main, dans lequel nous pourrons nous installer dès la date de mise à disposition. D'où l'intégration dans le contrat d'un grand nombre de services externalisés, y compris la bureautique. Cela dit, nous ne sommes pas plus des idéologues de l'externalisation que du PPP. A l'évidence, elle n'est pas possible concernant la sécurité des centres opérationnels des armées. Nous avons donc effectué un partage des tâches, parfois très fin, en excluant de l'externalisation celles qui devaient l'être.
Le projet est marqué au coin de la haute qualité environnementale avec des bâtiments basse consommation en écartant, d'emblée, la climatisation des bureaux. Travailler dans la chaleur quelques jours par an, à Paris, n'est pas dramatique, et les économies sont considérables.