Intervention de Ernestine Ronai

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 11 janvier 2012 : 1ère réunion
Prescription de l'action publique des agressions sexuelles autres que le viol — Table ronde avec les représentantes d'associations engagées dans la lutte contre les violences envers les femmes

Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes du conseil général de Seine-Saint-Denis :

Responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes du conseil général de Seine-Saint-Denis, je souhaite d'abord souligner que nous sommes, en France, le seul observatoire dédié à ce sujet.

Je le regrette évidemment, comme, je regrette que le rapport prévu par l'article 29 de la loi du 9 juillet 2010, qui devait proposer au Parlement, avant le 31 décembre 2010, la création d'un Observatoire national des violences faites aux femmes, n'ait jamais été remis au Gouvernement.

Personnellement, je pense qu'il manque en France non seulement un Observatoire national, mais surtout un Réseau national d'observatoires qui pourraient utilement travailler sur le terrain en partenariat avec les délégations régionales aux droits des femmes, comme nous le faisons en Seine-Saint-Denis.

Concernant l'allongement du délai, je suis en total accord avec les propos tenus par le Dr. Emmanuelle Piet et je suis donc favorable au dispositif de la proposition de loi pour deux séries de raisons.

D'abord parce qu'il faut améliorer le traitement des plaintes : je voudrais partager avec vous un certain nombre de chiffres communiqués à l'époque par le procureur-adjoint du tribunal de Bobigny, lors de la sixième rencontre de l'observatoire en 2007. Dans notre département, en 2007, seules 37 % des plaintes d'agressions sexuelles ont été déclarées recevables. Sur ces 37 %, seules 60 % ont donné lieu à des poursuites pénales. Ces chiffres montrent qu'il existe encore une forte marge de progression à réaliser dans ce domaine !

Ensuite parce que l'effet de sidération des victimes d'agressions sexuelles est souvent tel que trois ans ne leur suffisent pas pour réagir ! Je lisais récemment un article publié sur le site du journal Rue 89 rapportant des actes d'agressions sexuelles commis lors des « bizutages » des Grandes écoles. Au cours de ces « soirées festives », les jeunes étudiant(e)s subissent de véritables agressions sexuelles mais qui semblent tellement banalisées par le milieu dans lequel ils évoluent qu'il leur est difficile d'en faire le récit dans les années qui suivent.

J'insiste ensuite, à l'instar de mes collègues, sur le danger de « déqualifier » certains actes agressifs. Une tentative de viol peut être un acte très grave, qui ne sera pas puni comme tel si elle est requalifiée en « agression sexuelle ».

Les arguments tirés de l'engorgement des cours d'assises, ou du manque d'effectifs de la police sont inacceptables. Ils nous obligent, cependant, à nous poser la question des moyens nécessaires pour permettre à la justice et à la police de mieux faire leur travail et d'apporter des réponses adaptées aux femmes victimes de violences.

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