Intervention de Marie-Ange Le Boulaire

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 11 janvier 2012 : 1ère réunion
Prescription de l'action publique des agressions sexuelles autres que le viol — Table ronde avec les représentantes d'associations engagées dans la lutte contre les violences envers les femmes

Marie-Ange Le Boulaire, fondatrice de l'Association nationale pour la reconnaissance des victimes :

Je représente l'Association nationale pour la reconnaissance des victimes qui a organisé, le 22 février 2011, au Trocadéro, la première Journée mondiale pour la reconnaissance des victimes, réitérée cette année le 22 février 2012, et à laquelle vous êtes bien entendu tous et toutes conviés.

C'est aussi la parole des victimes que je porte aujourd'hui, non seulement parce que j'ai moi-même été victime d'un violeur en série en 1994, mais aussi parce que, par mon métier de journaliste, j'ai décidé, après ce drame, de consacrer un certain nombre de documentaires aux victimes d'agressions sexuelles et de viols. La réalisation de ces films m'a amenée à passer beaucoup de temps aux côtés des victimes, mais aussi à voir de près le travail de la police judiciaire - puisque j'ai passé huit mois dans leurs locaux - et le travail des magistrats - ayant filmé les procès au Palais de Justice. Je peux donc témoigner que très souvent, la honte ou la culpabilité empêchent les victimes de porter plainte, surtout quand elles ne sont pas accompagnées, et qu'il est pourtant essentiel à leur reconstruction qu'elles soient reconnues en tant que victimes.

Même si la condamnation de l'agresseur reste, bien sûr, l'objectif de notre action, la reconnaissance du statut de victime ne passe pas toujours par cette étape qui, comme vous l'avez dit précédemment, n'intervient que trop rarement dans les cas déclarés d'agressions sexuelles.

C'est la raison pour laquelle, au cours des actions de formation que nous donnons aux policiers, nous leur expliquons qu'il est essentiel de ne pas mettre en doute la parole des femmes qui ont eu le courage de venir porter plainte et qu'il est essentiel pour elles, et la suite de leur parcours, d'être reconnues comme victimes dès le commissariat.

Concernant l'allongement du délai de prescription, auquel je suis favorable, il me semble que l'argument selon lequel il risquerait de rendre plus compliquée la collecte des preuves est un faux débat : que trois ans ou dix ans se soient écoulés, le problème reste le même et les preuves toujours difficiles à rassembler.

Enfin, j'espère que nous aurons un jour l'occasion d'avoir un débat ouvert sur la suppression de la prescription pour les crimes. En ce qui me concerne, ayant côtoyé tant de victimes, je ne comprends pas ce qui justifie qu'on légalise le droit à l'oubli pour leurs agresseurs.

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