Je reviens sur la proposition évoquée par Mme Olivia Cattan d'instaurer des tribunaux spécialisés dans les affaires de violences envers les femmes. C'est une proposition que nous avions envisagée dans le cadre du collectif qui a travaillé à l'élaboration de la proposition de loi-cadre sur les violences envers les femmes. Nous ne l'avions finalement pas retenue, car nous avons très vite compris que la notion de tribunaux spéciaux avait laissé en France de trop mauvais souvenirs. Mais peut-être pourrait-on envisager de confier le traitement de ces affaires à des chambres spécialisées, constituées de magistrats formés à ces questions ?
Ces questions ne s'improvisent pas, et il faut bien former les professionnels qui ont à les traiter : les travailleurs sociaux, les magistrats et les avocats aussi bien sûr, car parmi ces derniers - je ne parle pas de ceux qui travaillent avec nous - il y en a beaucoup qui sont mal préparés à traiter ces affaires, ce qui explique en partie les difficultés que nous rencontrons dans l'application de la loi du 9 juillet 2010.
La justice en France manque de moyens.
Lorsqu'il nous a reçues, à l'issue de notre manifestation du 5 novembre dernier, le conseiller du Premier ministre est convenu que l'application du deuxième plan de lutte contre les violences avait rencontré « quelques difficultés » ; on peut craindre que le troisième plan ne soit pas promis à un avenir meilleur.
Nous devons faire très attention à la question de la prescription. A l'occasion de l'élaboration de la proposition de loi-cadre, nous avions rencontré des magistrates de gauche, mais pas particulièrement féministes. Elles ne semblaient pas très bien saisir ce que nous voulions et nous ont au contraire mises en garde contre le climat sécuritaire qui règne actuellement, il faut bien le reconnaître. Il s'agit donc d'une question grave, complexe, qui ne concerne pas que les violences envers les femmes et qui mérite débat.
Deux remarques enfin, pour terminer. Les violences envers les femmes sont confiées, à l'échelon départemental, à des structures de lutte contre la délinquance. Cela n'est pas satisfaisant car on ne peut tout de même pas placer sur le même plan le traitement de ces violences et le vol d'un sac.
Ensuite, ce qui met les violences envers les femmes tout à fait à part, c'est que c'est le seul cas où la victime se sent coupable parce que, dans le fond, la société lui reproche de ne pas jouer le jeu. C'est ce qui rend les choses si difficiles.