Intervention de François Jacq

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 29 février 2012 : 1ère réunion
Audition de M. François Jacq candidat au renouvellement de ses fonctions de président-directeur général de météo france

François Jacq, président directeur général de Météo France :

Pour répondre sur le NEC SX-9, sa durée de vie, comme celle de tous les supercalculateurs, est de 4 à 5 ans. L'heure est donc nécessairement au renouvellement ; tous nos homologues sont dans ce processus. Quant au cloud computing, tout dépend de la durée limite pour conduire les calculs : cette technique de partage des calculs sur un grand nombre d'ordinateurs, intéressante mais qui prend du temps, n'est pas utilisable pour des échéances courtes comme trois heures.

Jean-Jacques Mirassou, je partage votre souci de l'opinion publique. La prévision a objectivement beaucoup progressé : nous avons gagné au cours des trente dernières années une journée de qualité de prévision tous les dix ans et il reste des marges de progression pour la dizaine de jours. Cela dit, nous ne maîtrisons pas, nous nous représentons mal certains phénomènes physiques. En permanence, il nous faut mener un travail de pédagogie, expliquer notre métier, son fonctionnement et ses limites. C'est d'autant plus important lorsque des responsabilités sont en jeu, qu'il y a atteinte à la sécurité des personnes et des biens.

Peut-on améliorer le dispositif de vigilance vague-submersion ? La réponse est clairement oui. En 2012-2013, nous comptons avancer sur le calage des modèles, le « re-jeu » des situations passées pour améliorer les seuils ou encore l'augmentation du nombre de marégraphes et une plus grande robustesse autour du SHOM. Le partenariat avec le SHOM est étroit ; à ce stade, je n'ai pas d'inquiétude sur la coordination avec les autres acteurs de la chaîne d'alerte.

La question des estuaires est compliquée. La Gironde bénéficie d'un dispositif spécifique. Cependant, l'enjeu est d'abord la maîtrise de la situation générale et de la modélisation globale pour aller petit à petit vers le local. Rien ne sert d'améliorer le dispositif au kilomètre si nous avons des incertitudes sur la dizaine de kilomètres. Pour Xynthia, selon le modèle utilisé pour forcer le modèle océanographique, vous pouviez avoir des différences de 50 cm dans les surcotes ; le modèle Météo France avait initialement donné la bonne hauteur... Attention à ne pas emboîter les modèles pour ne pas multiplier les incertitudes.

Nous avons absolument besoin d'un oeil critique sur les modèles. Toute la question est : l'expertise humaine doit-elle être exercée localement ? Pas forcément. La France compte 108 implantations territoriales aujourd'hui, 55 demain, contre 1 centre national et 6 centres régionaux en Allemagne, 2 centres en Grande-Bretagne et une quinzaine en Espagne. La comparaison avec les Etats-Unis est difficile : toute la diffusion de l'information météorologique va au secteur privé, et la valeur ajoutée avec ; le National Weather Service et la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) ont interdiction d'intervenir dans le domaine commercial. Leur organisation est complètement différente de notre modèle de service public. En Italie, la météorologie dépend de l'armée, et historiquement de l'armée de l'air, mais les régions ont leur propre réseau d'observation. Il n'est pas toujours simple de s'y retrouver...

Quel est le retour d'expérience trois ans après les décisions de fermeture de centres prises en 2009 à horizon 2012 ? Sur 77 personnes, nous avons trouvé des solutions plus ou moins consensuelles pour 74. Il faut, et j'y tiens, trouver un équilibre entre l'intérêt des personnes et celui de l'établissement. Restent deux ou trois cas à régler. Il est difficile de demander à des personnes implantées dans des centres depuis trente ans qui ont toujours rempli la même tâche de changer ; cela est parfois vécu comme une remise en cause de leur métier, voire de leur existence.

Des mouvements de protestation ont scandé chacune des étapes de la politique de rationalisation. Finalement abandonnée après avoir été proposée en 1996, elle a été lancée par mon prédécesseur en 2008. Il y a alors eu une crise, de même que nous avons connu en octobre 2011 une quinzaine de jours de grève. Les grévistes représentaient seulement 5% des effectifs, mais tous étaient sur des postes de prévision. Résultat, impossible de mettre en place la nouvelle organisation sans eux. Une telle réaction du corps social est normale. Mon rôle est de convaincre que l'intérêt du service public est de suivre l'évolution de nos homologues européens.

Le programme SESAR est une entreprise commune européenne. Pour les projets qui concernent au premier chef des industriels, la DGAC et la Direction des services de la navigation aérienne (DSNA), notre rôle est d'apporter un appui et un conseil météorologique. Sur le WP11, nous sommes en première ligne avec d'autres services météo européens, Thalès et un institut néerlandais ; le but est typiquement de savoir comment connecter les informations météo et les informations de gestion de l'espace pour optimiser les trajectoires des avions par rapport aux phénomènes météorologiques.

Enfin, sur les tsunamis, à ma connaissance, nous assurons ce service à la Réunion, bien que ce ne soit pas dans nos compétences, parce que nous disposons des outils techniques pour le faire.

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