Ce succès donne, je le crois, une vraie leçon à ceux qui doutent, et ils sont nombreux, du volontarisme en politique : alors que tant de responsables politiques de notre pays se contentaient, il y a quelques années, de dénoncer les paradis fiscaux sans jamais agir, le Président de la République a su démontrer que la force de la volonté politique pouvait avoir raison des citadelles les plus imprenables.
Dès le lendemain du G20, le Gouvernement a engagé une politique de négociation d’accords bilatéraux tous azimuts avec les États figurant sur la liste de l’OCDE. Nous avons ainsi proposé, dès le 3 avril, à tous les États ou territoires qui figuraient sur les listes, grise et noire, de signer un accord permettant l’échange de renseignements.
Dans les cas où nous étions déjà liés par une convention fiscale, nous avons choisi de proposer de conclure des avenants. Six d’entre eux sont aujourd’hui soumis à l’examen de l’Assemblée nationale et vous seront transmis prochainement ; ils concernent notamment la Suisse, le Luxembourg ou encore Singapour.
Dans les autres cas, nous avons proposé de ne signer qu’un accord d’échange de renseignements sans contrepartie, car il n’y a pas de contrepartie à donner à un État qui ne fait que respecter l’engagement qu’il a pris devant la communauté internationale
Au total, depuis le mois de mars 2009, la France a signé six avenants et seize accords d’échange de renseignements. Plus d’une demi-douzaine d’autres avenants ou accords sont encore en cours de négociation. Les douze accords qui vous sont soumis aujourd’hui ne sont que l’avant-garde d’une série qui permettra de couvrir tous les États, territoires significatifs ou places offshore de la planète.
Telle la réalité de l’action de notre pays dans ce domaine.
Avec ces accords, nous serons en mesure d’échanger sans restriction des renseignements fiscaux avec les juridictions jusqu’alors peu coopératives du continent européen – la Suisse, le Luxembourg, la Belgique et le Liechtenstein, en particulier –, les plus importants des centres financiers asiatiques – Hong Kong, Singapour – ou des paradis fiscaux – les îles Caïmans, les Îles Vierges britanniques, Jersey, Guernesey ou, bien entendu, les Bahamas, qui nous occupent ici plus spécifiquement.
Ces résultats placent la France au premier rang du combat international en faveur de la transparence. Voilà la réalité des faits.
Nous avons par ailleurs relayé cette action internationale par les mesures adoptées dans la loi de finances rectificative pour 2009 et complétées par l’arrêté du 12 février dernier.
Sur la proposition du Gouvernement, vous avez inscrit, dans la loi française, une définition des juridictions non coopératives, assortie de critères précis et de sanctions fiscales pour les États concernés. L’arrêté du 12 février 2010 a établi, pour l’année 2010, une liste de dix-huit États ou territoires non coopératifs au regard de la législation française.
Les sanctions prévues sont lourdes ; je citerai la majoration à 50 % des retenues à la source sur les flux à destination des États de la liste, la taxation des flux entrants, le refus de déduire les charges payées dans ces territoires, le durcissement des conditions de justification des prix de transfert.
Par l’outil fiscal, nous avons mis en œuvre un véritable arsenal de sanctions économiques à l’encontre de ces États. Avec de tels niveaux de taxation, qui voudrait continuer à échanger avec eux ? Nous les avons donc mis « hors jeu » !
En 2010, le Gouvernement a entendu s’inscrire pleinement en cohérence avec les travaux menés par l’OCDE. La liste publiée le 12 février dernier comprend tous les États ou territoires de la dernière liste grise publiée par l’OCDE en 2009, ou qui n’ont pas conclu une convention d’assistance avec la France. Ces juridictions sont soumises à l’arsenal de sanctions que vous avez voté à la fin de l’année 2009.
Cette liste a déjà montré son utilité : si plusieurs des juridictions y figurant ont, certes, protesté, elles ont surtout répondu à notre invitation, formulée dès le printemps de 2009, à négocier un accord d’échange de renseignements, invitation restée sans réponse jusque-là.
La ratification des accords qui vous sont soumis n’est qu’une étape : le Gouvernement continuera à se mobiliser pour obtenir une transparence fiscale effective.
Certains font profession de scepticisme, ceux-là même qui, alors qu’ils étaient au Gouvernement, ont peu agi, si l’on excepte quelques gesticulations, pour lutter efficacement contre les paradis fiscaux. Je tiens à leur indiquer que nous continuerons à aller de l’avant : le Gouvernent ne s’arrêtera pas à ces signatures, qui ne constituent pas une fin en soi ; nous veillerons à ce que l’échange d’informations soit effectif.
Sur le plan international, le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales, qui regroupe les trente membres de l’OCDE et plus de soixante autres États ou territoires, a mis en place un mécanisme d’évaluation par les pairs. François d’Aubert, délégué général à la lutte contre les juridictions et territoires non coopératifs, autrement dit, les paradis fiscaux, a été chargé de présider ce groupe d’évaluation. Les travaux du Forum ont progressé très vite puisque les premières évaluations ont commencé.
Ces évaluations porteront à la fois sur le cadre légal – lois internes et accords internationaux – de la coopération administrative et sur l’effectivité de l’échange d’informations. Nous accordons la plus grande importance à ces travaux dont un bilan pourra être tiré lors de la présidence française du G20, en novembre 2011.
Sur le plan national, le dispositif adopté en loi de finances rectificative comporte, lui aussi, son propre mécanisme de suivi. À compter du 1er janvier 2011, il permettra de faire vivre cette liste, en y ajoutant les États qui, bien que liés à la France par un accord fiscal, ne nous fourniraient pas, en pratique, une assistance administrative satisfaisante.
À ce jour, les mesures de sanction ne s’appliquent qu’à un petit nombre d’États. Il faut s’en réjouir, car cela traduit le fait que la plupart des pays concernés ont accepté de répondre à l’invitation lancée par la communauté internationale pour qu’ils signent des accords d’échange de renseignements.
Mais la loi prévoit que ces sanctions s’appliqueront également à ceux qui, ayant signé des accords, ne les mettraient pas en œuvre. Le processus mis en place par l’OCDE nous offre l’outil d’évaluation qui nous permettra de mettre en œuvre ces dispositions.
Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui marque une étape dans le combat pour la transparence fiscale et la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. Ce n’est qu’une étape, mais elle est majeure !
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faudra bien que ce texte entre en vigueur pour que nous puissions mesurer son efficacité. C’est pourquoi, au nom du Gouvernement, je vous demande de bien vouloir en autoriser la ratification.