Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 12 juillet 2010 à 15h00
Accord avec les bahamas relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe de travail mixte formé de sénateurs et de députés qui a été constitué après le déclenchement, entre 2007 et 2008, de la crise financière internationale et que l’on nomme trivialement le « G24 » a émis, dès 2008, un certain nombre de recommandations.

En novembre 2008, bien avant le sommet du G20 de Washington, il avait présenté des propositions au Président de la République. Pour mémoire, je voudrais vous lire quelques extraits de la déclaration, que nous, membres du groupe de travail, avions tous signée.

Nous indiquions tout d’abord que « toute remise à plat du système financier international ne saurait éluder cette question récurrente » des paradis fiscaux, bancaires et juridiques. Et nous ajoutions – c’était à l’automne de l’année 2008 : « Comment peut-on en effet demander aux contribuables de renflouer les institutions financières en faillite et laisser dans le même temps ces institutions faciliter la fraude offshore par le recours aux paradis fiscaux ? »

Au niveau mondial, il faut reconnaître aux ministres français et allemand du budget d’avoir initié, dès 2008, un renouveau des travaux au sein de l’OCDE afin que le secret bancaire soit levé et les pays non coopératifs sanctionnés, y compris au travers des entités qui y sont établies.

Néanmoins, le « G24 » des parlementaires faisait déjà valoir dans ses propositions qu’il était « nécessaire d’accélérer la révision de la directive 2003/48/CE du Conseil, du 3 juin 2003, en matière de fiscalité des revenus de l’épargne sous forme de paiements d’intérêts ». Cette question a de nouveau été évoquée lors du Conseil ECOFIN du 19 janvier 2010, sans toutefois qu’aucune accélération ne soit constatée. Pourtant, tout le monde sait que cette directive est insuffisante…

Au niveau national, nous avions également avancé un certain nombre de propositions, en particulier le renforcement, par des actions nationales coordonnées, de la lutte contre les territoires non coopératifs et le renforcement des procédures en matière de lutte contre la fraude, par la création d’un service d’enquêtes fiscales judiciaires disposant de prérogatives traditionnellement dévolues aux officiers de police judiciaire.

Lors du sommet du G20 à Londres, le 2 avril 2009, nous avions encore une fois formulé des recommandations. Concomitamment à ce sommet du G20, l’OCDE avait publié la liste des États et territoires non coopératifs. Il y avait, vous vous le rappelez, une liste noire, une liste grise, une liste blanche. Comme M. le rapporteur l’a souligné dans son rapport écrit et comme il l’a rappelé tout à l’heure, la liste noire a finalement disparu. En effet, selon la condition fixée par l’OCDE, pour disparaître de la liste noire, il fallait avoir signé douze accords bilatéraux mais, et cela figure aussi dans le rapport de M. Gouteyron, sur les cinq cents accords qui auraient été conclus à ce jour, cinquante l’auraient été entre paradis fiscaux…

Il faut réunir les conditions de la transparence, définir les sanctions à prendre à l’encontre de ces territoires non coopératifs et des résidents de ces territoires mais aussi à l’encontre des personnes morales ou physiques qui les utilisent.

J’ai là la liste des propositions que nous formulions avant le sommet du G20 de Pittsburgh en septembre 2009, sommet qui a donné une véritable impulsion à la lutte contre les paradis fiscaux. Mais, finalement, le G20 s’en est remis aux États, contrairement à la proclamation des ministres de l’économie et des finances, qui, eux, mais c’était avant le G20 de Pittsburgh, envisageaient un instrument multilatéral.

Il fallait donc signer les conventions bilatérales dont nous débattons ce soir. La France a édité sa propre liste comme d’autres États l’ont fait. Au départ, cette liste comptait dix-huit États et territoires, puis la France l’a révisée en début d’année en la limitant à quatorze territoires.

Mais ce qui nous intéresse aujourd'hui, dans ce débat fort utile que nous avons en séance publique, c’est de vérifier si la France se donne les moyens de ses fins.

La ratification de ces douze conventions fiscales m’a permis de relire les débats que nous avions eus, en décembre 2009, avec le ministre du budget d’alors, M. Woerth, quand il s’est agi d’introduire dans la loi un certain nombre de dispositifs pouvant, à l’époque, nous inciter à aller au bout des investigations.

Nous avions bien insisté, monsieur le secrétaire d’État, sur le fait qu’il fallait assurer un suivi par le législateur des orientations proclamées.

Il nous paraît important que ce débat ait lieu ce soir, même en cette fin de session extraordinaire, afin de voir où nous en sommes par rapport aux orientations qui ont été définies lors des G20 que j’ai évoqués.

Qui plus est, la France s’est dotée d’une organisation intéressante à un moment où elle était médiatiquement exposée, mais dans un sens positif pour le ministre à l’époque : je fais allusion au fameux imbroglio avec la Suisse dans l’affaire de ce qu’il est convenu d’appeler « la liste des 3 000 ».

Il est vrai que, pour la première fois, par la loi de finances rectificative, nous nous dotions, sous le contrôle du juge, d’une cellule qui serait logée au ministère de l’intérieur et qui serait finalement l’embryon d’une véritable police fiscale permettant de mener des investigations. Nous nous dotions aussi de sanctions applicables aux pratiques non coopératives pouvant aller notamment, monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez rappelé, jusqu’à une retenue à la source de 50 %.

M. Gouteyron a dit que les Français étaient les champions de la lutte contre l’évasion fiscale.

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