Je voudrais quelque peu relativiser. Mais il en sera peut-être question quand le Président de la République française présidera le G20, l’année prochaine.
Pour relativiser, donc, je rappellerai qu’en mars 2010, la chose est passée pratiquement inaperçue, sur l’initiative du président des États-Unis, a été votée une loi intitulée « lutte contre le chômage ». Cette loi a été adoptée grâce à l’appui d’une partie des Républicains, puisque onze d’entre eux l’ont votée.
Dans ce texte, sont prévues des sanctions à l’encontre des pratiques non coopératives. Elles sont moins sévères, puisqu’il s’agit d’une retenue à la source de 30 %, mais je pense qu’elles seront plus efficaces parce que le législateur américain suit les moyens de l’administration afin de veiller à l’efficacité des lois qu’il vote.
Ce qui est important dans la loi de finances rectificative de décembre 2009, c’est que, sur le papier, on pourra tester les conventions fiscales ratifiées. C’est le véritable enjeu des signatures bilatérales : se doter des moyens de ses fins, suivre dans la durée ces conventions.
À cet égard, je signale que la convention franco-allemande nous apparaît comme la meilleure référence, parce qu’elle est la plus précise. Elle définit exactement ce qu’est une personne, ce qu’est une société.
Nous savons qu’il existe un grand « trou noir » constitué par les trusts et que, là, les références habituelles des conventions qui sont signées sont trop lâches : on ne sait pas exactement de quoi l’on parle. Voilà pourquoi j’ai cité en exemple la convention franco-allemande.
Le suivi dans la durée de ces conventions est indispensable, compte tenu de la faible portée de la condition de l’OCDE. Je rappelle en effet qu’il suffit pour un État ou un territoire de signer douze conventions pour disparaître de la liste noire. À ce moment-là, il sera peut-être plus efficace de se procurer une liste des comptes bancaires détenus à l’étranger, comme la preuve en a été faite dans l’affaire qui nous a opposés un temps à la Suisse ou dans l’affaire du Liechtenstein, qui concernait les Allemands.
Il est du reste à noter que la convention avec la Suisse n’est toujours pas ratifiée. Elle l’est pour le Parlement, mais comme il pourrait y avoir un référendum, pratique habituelle en Suisse, la seule assurance que nous avons, c’est que normalement, à la date du 7 octobre, cette convention sera ratifiée.
Je veux rappeler que, lors de l’examen en séance de la loi de finances rectificative, le groupe socialiste avait déposé deux amendements. Le premier consistait indirectement à doter d’une base législative le fichier EVAFISC constitué par le ministre du budget et à demander que la commission des finances soit régulièrement tenue informée de l’avancée du dispositif de contrôle et de l’exploitation qui s’ensuivrait. Nous avions reçu le soutien du rapporteur général et du président de la commission des finances, et cet amendement avait suscité de longs débats, mais le Gouvernement, par la voix de M. Woerth, avait beaucoup insisté pour que nous le retirions.
Compte tenu des engagements pris et de notre volonté de soutenir le ministre dans son combat contre les paradis fiscaux, contre l’évasion fiscale, nous avions retiré notre amendement. Six mois après, je le regrette, car nous n’avons reçu aucune communication de la part du ministre. Je l’avais pourtant mis en garde, à l’époque, contre les risques d’une surexposition médiatique qui pouvait lui nuire et, surtout, qui ne pouvait prendre la place du travail patient et complet d’investigation dans la durée.
J’ai tout de même eu le temps de lire, même rapidement, le rapport de l’Inspection générale des finances dans une affaire qui ne nous occupe pas aujourd'hui, mais dont il serait insensé que l’on ne parle pas au sein du Parlement alors qu’elle s’étale partout dans la presse, qu’il en est question à longueur de journée sur la plupart des radios et des chaînes de télévision.
En la circonstance, la réponse était dans la question. L’Inspection générale des finances a mené son enquête administrative, comme elle en a l’habitude, elle n’est nullement répréhensible en cela. Mais j’observe que, pour aboutir à donner comme information générale que 6 247 dossiers ont été identifiés et traités par la cellule fiscale du 18 mai 2007 au 22 mars 2010, période pendant laquelle M. Woerth était ministre du budget, il aurait peut-être suffi, plutôt que de commander un rapport à l’IGF, de collecter les rapports d’activité de la Direction générale des finances publiques… On serait arrivé à peu près au même résultat !
S’agissant des investigations relatives aux cinq noms faisant l’objet de la saisine du ministre du budget, j’ai noté tout de même que les services fiscaux – les vrais, pas la cellule fiscale du cabinet – n’ont pas été informés des échanges ayant eu lieu entre le fameux « chef de la cellule fiscale », le ministre et son directeur de cabinet.
Nous savons que la liste des 3 000 a donné lieu à des actions de l’administration fiscale mais, comme la saisine se limitait à quelques noms qui n’y figuraient pas, nous n’en savons pas plus sur le résultat des enquêtes qui ont suivi.
Nous ne savons pas non plus véritablement quel a été, dans le détail, le bilan exact de la cellule de régularisation fermée officiellement en décembre 2009, ni comment s’est fait le départ entre les transactions et les sanctions, et nous doutons quelque peu de la méthode de la transaction, qui devrait être exceptionnelle, mais qui devient le droit commun.
Je vous recommande la lecture de ce rapport de l’IGF, qui n’est pas très long. Permettez-moi d’en citer la conclusion, très intéressante. M. Bassères, qui a signé ce rapport, nous dit : « Il conviendrait de s’interroger sur la tradition consistant à créer au sein du cabinet du ministre » – il s’agit non de ce ministre précisément, mais du ministre chargé du budget en général – « une équipe dédiée au traitement des situations fiscales individuelles, dont l’existence même nourrit la suspicion ».
Pour ce qui nous concerne, ce ne sont pas les personnes qui nous intéressent, c’est bien plutôt le problème des moyens que l’on se donne et que l’on donne à notre administration qui retient notre attention.
Un test intéressant viendra quand nous aurons à autoriser l’approbation d’un accord avec les Seychelles… À l’occasion de la convention France-Seychelles, nous verrons dans quelle mesure l’administration fiscale est efficace dans ses investigations !
En attendant, nous ne sommes pas là pour parler de tel ou tel, …