L'esprit des Etats généraux de la démocratie territoriale, que nous devons à une initiative du Président Bel, tient en quelques mots : donner, ou redonner, la parole aux élus locaux.
L'objectif est d'entendre ceux qui font vivre la décentralisation pour faire émerger les idées du terrain. Il ne s'agit donc pas de définir un projet a priori et de le soumettre aux élus, mais plutôt d'engager un processus original, partant des territoires et non des ministères, puisant dans le vécu des acteurs et non dans les théories des fonctionnaires parisiens.
L'organisation, dont le principe et les grandes lignes ont été approuvés par le Bureau du Sénat le 14 novembre, en revient à un comité de pilotage.
Ce comité de pilotage, que j'ai l'honneur de présider, a été conçu dans un double souci : premièrement, placer les Etats généraux sous l'égide du Sénat en tant qu'institution. Tous les groupes politiques ont donc été invités à désigner des représentants au sein de ce comité, dont fait également partie, à ce titre, la présidente de notre délégation ; deuxièmement, faire participer les associations d'élus. C'est ainsi que, notamment, les quatre associations « généralistes », représentant respectivement les maires, les départements, les régions et les communautés de France, disposent d'un représentant qui siège au sein du comité de pilotage. Leur assiduité à nos réunions traduit d'ailleurs, si besoin est, tout l'intérêt que les associations d'élus portent à la démarche du Sénat.
Reprenant les grandes lignes que le Président du Sénat avait présentées devant le Bureau, le comité de pilotage a prévu une organisation en trois temps : une phase d'interrogation, de consultation des acteurs locaux ; une phase de débat dans les territoires ; une phase de synthèse et de conclusion.
La première étape se déroule actuellement ; les deux suivantes interviendront après les élections législatives.
La phase actuelle consiste en l'interrogation et en la consultation des acteurs locaux. Le comité de pilotage les a voulues aussi larges que possible tant en ce qui concerne les participants qu'en ce qui concerne les sujets abordés. Pour ce faire, nous avons prévu plusieurs supports de consultation et d'expression des acteurs locaux.
Le premier support de consultation est un questionnaire écrit à l'intention de l'ensemble des quelque 550 000 élus locaux. Je passe rapidement sur son contenu, puisque le Président l'a adressé à chaque sénateur mi-décembre, peu avant que ce questionnaire soit mis en ligne sur le site du Sénat. Je rappelle simplement qu'il comprend trois séries de questions.
D'abord des questions relatives, dans le respect de l'anonymat, au profil des répondants (mandat exercé, taille de la collectivité pour les élus municipaux, département, sexe...) ; elles sont destinées à permettre une analyse des réponses en fonction des différents profils, par exemple de savoir, sur un point déterminé, quel est le sentiment dominant chez les maires des communes de moins de 1 000 habitants, chez les présidents de conseil général, etc.
Il y a ensuite, plus de 80 questions de fond, classées en deux niveaux selon leur degré de technicité : 44 questions de niveau 1, le moins technique, et, pour ceux qui souhaitent aller plus loin, 37 questions plus techniques. Ces questions sont rangées en trois grandes catégories : « vos missions d'élu et la démocratie territoriale », « vos moyens d'agir » (ressources financières et ressources humaines), et « les liens avec vos partenaires » (Etat, autres collectivités...). Nous avons calculé qu'il fallait à peu près trente minutes pour répondre aux 44 questions de niveau 1 ;
Enfin, la troisième série de questions, au nombre de 26, s'adresse spécifiquement aux élus d'outre-mer.
Le délai imparti aux élus pour répondre à ce questionnaire avait été initialement fixé au 22 février, date prévue pour la suspension des travaux parlementaires. Celle-ci ayant été décalée, le délai limite a été adapté en conséquence et les élus désireux de participer ont donc jusqu'au 6 mars pour remplir le questionnaire en ligne ou, s'ils préfèrent, nous renvoyer un exemplaire papier. Au total, les destinataires auront donc disposé de deux mois et demi pour y répondre.
A deux semaines de l'échéance, je crois pouvoir dire que cette consultation est déjà un succès. Un succès quantitatif, d'abord, puisque nous en sommes aujourd'hui à environ 14 300 réponses, dont 13 300 directement par voie électronique. Mais un succès qualitatif aussi puisque nous avons eu l'agréable surprise de constater que cet « échantillon », très important, reproduisait dans une large mesure le « paysage » formé par les élus locaux, en particulier par les maires. Par exemple, près de 88 % des maires qui ont répondu appartiennent à des communes de moins de 3 500 habitants ; or, dans l'ensemble des maires français, 92 % appartiennent à des communes de moins de 3 500 habitants. De même, un peu plus de 15 % des maires qui ont répondu sont des femmes, alors que 14,2 % des maires de France sont des femmes.
Le seul biais que nous observons par rapport à la représentation générale des maires, c'est que nous avons une plus grande représentation des retraités, avec environ 57 % des réponses, alors qu'ils ne sont que 34 à 35 % dans l'ensemble des maires.
Nous pouvons donc dire que les données que nous allons recueillir sont à la fois qualitativement représentatives et quantitativement des plus significatives - surtout si on les compare aux quelque 900 personnes sur lesquelles sont généralement faits les sondages relatifs à l'élection présidentielle.
Pour autant, afin de « coller » au plus près à la réalité et de mieux assurer la représentativité des élus locaux, le comité de pilotage a décidé que la synthèse des réponses au questionnaire serait confiée à un organisme spécialisé, dans le cadre d'un marché public.
Le deuxième support de consultation est un blog dédié aux Etats généraux sur le site du Sénat. Ce blog est pour nous un moyen utile de compléter l'information en provenance des élus locaux. Il nous permet en effet, entre autres, d'associer, via des cahiers d'acteurs recueillant leurs contributions, les grands partenaires des collectivités, qu'il s'agisse des opérateurs économiques, sociaux, éducatifs, culturels. Il nous permet aussi de disposer d'un support ouvert aux citoyens : alors que le questionnaire s'adresse aux élus locaux, le blog est en effet destiné aux citoyens.
Nous réfléchissons à un troisième support de consultation à travers une étude, dite qualitative, confiée à un organisme spécialisé. Je dis bien « nous réfléchissons », car ce point n'a, à ce jour, pas été tranché.
Cette idée repose sur le fait que le questionnaire à destination de tous les élus locaux a délibérément écarté les questions trop techniques. De plus, pour prendre en compte les contraintes de l'exploitation informatique des réponses, ont été privilégiées les questions fermées, par exemple celles appelant une réponse par oui ou par non. Les élus peuvent, cependant, ajouter des commentaires globaux à la fin du questionnaire.
Le comité de pilotage a donc envisagé de compléter le questionnaire écrit par une enquête qualitative. L'idée est de constituer des groupes représentatifs, amenés à s'exprimer, sous la conduite d'un animateur, sur des thèmes à identifier. A cette fin, il serait fait appel à un organisme spécialisé dans ce genre d'études, choisi sur appel d'offres.
Des étapes ultérieures ont été esquissées mais n'ont pas encore été validées. Comme je l'ai déjà indiqué, les étapes suivantes n'interviendront qu'après les élections législatives, à des dates qui restent encore à déterminer. Il s'agira d'une phase de débat dans les territoires puis d'une phase de conclusion et de restitution.
La phase de débat dans les territoires prendra la forme de neuf débats interrégionaux, dont un spécifiquement consacré à l'Outre-mer qui se tiendra à Paris. Pour l'organisation de ces débats en métropole, le comité de pilotage a identifié les huit zones suivantes : Île-de-France, centre (au sens géographique, plus large que le sens administratif, et donc à ne pas confondre avec la région Centre), Rhône-Alpes (également entendu au sens large), nord, est, sud-est, sud-ouest et grand-ouest.
C'est un découpage qui a été conçu de manière à tenir compte à la fois :
- des spécificités régionales. La zone centre, par exemple, permettra un débat interrégional mettant l'accent sur la spécificité des territoires ruraux, ce qui ne sera évidemment pas le cas de la zone Île-de-France ;
- des facilités de déplacement pour les élus. C'est ce qui explique que, par exemple, nous ayons prévu de rattacher l'Aude et les Pyrénées-Orientales au sud-ouest plutôt qu'au sud-est, partant du constat qu'il serait plus facile pour les élus de ce département de se rendre à Toulouse plutôt qu'en Avignon. C'est d'ailleurs parce que nous sommes attentifs à la question du déplacement que notre découpage ne se veut pas rigide : s'ils le préfèrent, notamment pour des raisons pratiques, les élus pourront tout à fait participer à un débat dans la zone voisine de celle à laquelle nous avons rattaché leur département. Ces débats se dérouleront dans des lieux permettant d'accueillir un nombre significatif de participants, que nous avons évalué à 500.
Ils se tiendront sur une journée, mais les différents débats n'auront pas lieu le même jour afin que le Président du Sénat puisse, comme il le souhaite, participer à chacun d'eux. Afin d'assurer une certaine harmonisation des débats, nécessaire pour réaliser in fine une synthèse et une restitution significative, le comité de pilotage a prévu un canevas type de cette journée, en trois temps : d'abord, pour environ une demi-heure, une introduction au cours de laquelle, après le mot d'accueil de l'hôte et un rappel de la démarche des Etats généraux, seront présentés les résultats du questionnaire écrit et de l'enquête qualitative ; ensuite, deux débats thématiques successifs, d'une durée d'environ 1 h 15 chacun, consacrés respectivement à la répartition des rôles et au dialogue entre les différents acteurs de la démocratie territoriale (Etat compris). Animés par un journaliste de Public Sénat, ces débats seraient ouverts par des interventions d'acteurs locaux, essentiellement élus (maire, président d'EPCI, de département, de région et, le cas échéant, un expert) et délibérément peu nombreux pour permettre un échange aussi large que possible avec la salle ; enfin, une conclusion par le Président du Sénat.
Ainsi conçus, ces débats devraient durer entre 3 h et 3 h 30, évitant aux participants éloignés du lieu de réunion d'avoir à arriver la veille ou à repartir le lendemain (sauf bien entendu pour le débat consacré à l'Outre-mer). Chaque débat interrégional donnera lieu à une synthèse qui servira pour la réunion conclusive finale.
La dernière phase sera celle de la synthèse et des conclusions. Il s'agira des « Etats généraux » proprement dits, que le Sénat accueillera, au plus tôt après l'été. Cette journée de conclusion devrait comprendre : les enseignements des réponses au questionnaire ; les enseignements des débats qui se seront déroulés dans les territoires ; une synthèse des propositions formulées par les élus pour approfondir la démocratie territoriale. Normalement, le cheminement doit aboutir à refléter les réponses des élus et les préconisations.
A l'heure actuelle, le nombre de réponses électroniques reçues s'élève à 13 442. Nous avons reçu 13 016 réponses d'élus municipaux, soit 96,83 % de l'ensemble des questionnaires électroniques ; 817 réponses de conseillers généraux, soit 6,07 % de l'ensemble des questionnaires ; 336 réponses de conseillers régionaux, soit 2,49 % de l'ensemble des questionnaires ; et 2 807 réponses d'élus d'un EPCI, soit 20,88 % de l'ensemble des questionnaires. Près de 30,3 % des questionnaires ont été remplis par des élues, ce nombre étant de 15,2 % pour les maires. Enfin, 44 % des personnes ayant répondu au questionnaire sous forme électronique sont retraitées, ce nombre étant de 57,7 % pour les maires.
Par ailleurs, la répartition des réponses aux questionnaires par les élus municipaux en fonction de la taille de leur commune laisse apparaître les caractéristiques suivantes : les communes de moins de 1 000 habitants représentent 42,6 %, les communes de 1 000 à 3 499 habitants, 26,5 %, les communes de 3 500 à 19 999 habitants, 22,5 %, les communes de 20 000 à 99 999 habitants, 6,7 %, et les communes de plus de 100 000 habitants, 1,7 %.
Enfin, les départements ayant fourni le plus grand nombre de réponses sont, dans l'ordre : la Gironde, l'Isère, le Puy-de-Dôme, la Moselle, le Nord, le Rhône, le Finistère, la Loire-Atlantique, la Seine-Maritime et le Bas-Rhin. Bien entendu, ce classement, en valeur absolue, doit être mis en relation avec le nombre d'élus locaux, qui varie d'un département à l'autre.