Intervention de Bruno Vieillefosse

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 janvier 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Bruno Vieillefosse délégué pour le regroupement des états-majors et des services centraux de la défense dresd

Bruno Vieillefosse, délégué pour le regroupement des états-majors et des services centraux de la défense :

Monsieur le Président Carrère, la société de projet, qui répond au doux nom d'Opale, réunit tous les co-contractants qui constituaient le groupement de candidatures avec la Caisse des Dépôts en sus. Voici la répartition du capital : 34 % pour la Caisse des dépôts et consignations, 33 % pour les industriels, 33% pour les investisseurs financiers. La Caisse des dépôts détient donc un droit de veto. A la demande de l'État, elle a pour obligation de porter les titres d'un actionnaire qui, pour des raisons liées à la sécurité nationale, deviendrait indésirable.

Monsieur le Président Marini, le respect du PLU était une condition que nous avions fixée sans ambiguïté aux trois candidats. Le projet retenu présentait, à cet égard, trois difficultés. D'abord, la règle des prospects, d'une grande complexité, qui impose une certaine distance entre les façades d'un même bâtiment. Par souci de sécurité juridique, nous avons demandé, dans la déclaration de projet, une dérogation que la ville de Paris s'est dite prête à accepter. Ensuite, les cheminées de ventilation naturelle dont l'architecte, Nicolas Michelin, a eu l'idée pour assurer le rafraîchissement de l'immeuble. Elles atteindraient 43 mètres quand le plafond du PLU est de 31 mètres. Une dérogation a néanmoins été explicitement prévue en septembre 2009 pour les dispositifs liés à la haute qualité environnementale, ce qui est le cas des trois cheminées. La totalité des intervenants l'a admis tout au long de la procédure, y compris les représentants de la Ville de Paris au sein de la commission architecturale, dont le sous-directeur des permis de construire de Paris. L'émergence de la controverse avec certains services date du choix de l'attributaire pressenti, au printemps 2011. Jusqu'alors, au cours de la procédure, j'avais été le seul à poser la question d'un risque juridique ; un responsable de la Ville, devant la maquette du projet, a écarté ce risque, PLU en main. Pour mettre un terme à cette situation et sécuriser le projet, il a semblé préférable de prévoir une dérogation expresse. D'où la déclaration de projet. Les mesures conservatoires d'un montant de 5 millions d'euros que nous avons prévues permettraient la construction éventuelle et ultérieure d'un petit garage à bus..., sachant que personne ne viendra construire un garage à cet endroit pour un prix nécessairement élevé. Les dérogations n'étaient donc pas nécessaires a priori ; les circonstances ont créé la situation actuelle. D'ailleurs, la ville de Paris a fait savoir, très officiellement, qu'elle n'avait plus d'objection sur la règle des prospects et des hauteurs. Reste le sujet de la servitude.

Madame la Rapporteure générale, je ne me prononcerai pas sur la règle de 100 % du bénéfice des cessions reversées au ministère de la défense. Je constate que le Parlement l'a votée notamment dans le cadre de la loi de programmation militaire.

Sur les emprises, la vente de l'îlot Saint-Germain relève de la responsabilité de France Domaine, et de ce seul service. Cette emprise pourra être vendue en site occupé, s'il y a un acquéreur potentiel ; auquel cas nous payerons un loyer d'occupation, une opération courante sur le marché immobilier. Les produits des cessions financeront les programmes d'équipement de la défense.

Je ne fais pas un principe religieux de l'externalisation. Externalisons ce qui est raisonnable : 57 personnes gèrent la restauration de l'îlot Saint-Germain pour 2 500 repas par jour, contre 311 personnes à Balard pour 4 500 repas en 2009. Dans ce cas, le prestataire privé est plus efficace que l'entité en régie, pour des raisons d'organisation. D'où l'externalisation presque entière de la restauration sur le site de Balard. Ce n'est pas le coeur de l'État régalien que de fournir des repas au personnel, fussent-ils ceux de la défense.

Nous avons aussi choisi d'externaliser l'entretien et la maintenance : la gestion en régie laisse d'autant plus à désirer que ces domaines subissent en priorité les restrictions budgétaires. Le contrat fixe des obligations et prévoit des indicateurs, des instruments de mesure et des pénalités : ainsi nous sommes sûrs de disposer de locaux convenablement entretenus pendant toute la durée du contrat. La même remarque vaut pour les réseaux informatiques, dont la maintenance a laissé parfois à désirer, c'est un euphémisme ! On a envisagé un temps d'externaliser complètement la sécurité du site, mais nous n'avons pas retenu ce principe, car la sécurité de certaines zones à l'intérieur du site relève des compétences de l'État régalien. Les meilleurs spécialistes de la sécurisation des lieux sensibles sont les gendarmes ! Un partage très fin a donc été opéré entre les tâches des prestataires et celles du ministère. Nous avons aussi veillé à réserver aux PME une partie du chiffre d'affaires global qui sera dégagé chaque année.

S'agissant de l'enquête en cours, je ne suis ni journaliste, ni magistrat, ni policier. J'ai découvert en décembre 2011 un article de presse mettant en cause les conditions dans lesquelles le contrat de partenariat a été conclu, et visant « un haut responsable du ministère ». Une information judiciaire a été ouverte en octobre 2010, une enquête judiciaire début 2011. Depuis lors, jusqu'à la signature du contrat et à la publication de l'article de presse évoqué, personne au sein du ministère n'a été sollicité, interrogé ou convoqué à ce sujet, et rien ne permet d'affirmer que la procédure n'ait pas été respectée et que des fonctionnaires soient en cause. Laissons les enquêteurs faire leur travail, les journalistes le leur. Monsieur le ministre de la défense a dit que son ministère était à la disposition de la justice, et j'ai moi-même contacté les magistrats instructeurs pour leur faire part de ma complète disponibilité. Je n'en dirai pas davantage.

Le modèle économique du PPP est-il adapté ? Dans le cadre de l'évaluation préalable, la mission d'appui à la réalisation de contrats de partenariats et la société en charge du rapport d'évaluation ont évidemment comparé le coût d'un PPP, non pas avec celui d'une maîtrise d'ouvrage publique classique - qui n'aurait eu aucun sens, vu l'ampleur du projet - mais avec celui d'un projet réalisé en conception-réalisation, relevant du Code des marchés publics. Il est apparu qu'un PPP coûterait 5 % de moins. Nous avons alors évalué le montant de la redevance annuelle. Au terme de la procédure, et une fois le candidat choisi et le contrat signé, le montant de la redevance est presque exactement identique à l'évaluation initiale, à un demi-million d'euros près. Il y a peu de grands projets dont le coût ne dérape pas !

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