Intervention de Serge Lasvignes

Commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois — Réunion du 10 janvier 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Serge Lasvignes secrétaire général du gouvernement

Serge Lasvignes, Secrétaire général du Gouvernement :

Concernant les moyens mis en oeuvre pour assurer l'application des lois, je ne suis pas en tant que Secrétaire général du Gouvernement en charge de leur définition en aval de l'adoption d'un texte, mais je suis en revanche directement concerné par le fait qu'en amont de celle-ci l'on s'assure que ces moyens ont bien été évalués, ce qui est l'un des objets des études d'impact introduites par la révision constitutionnelle de juillet 2008.

J'insiste sur le fait que la qualité de ces études d'impact dépend en particulier de celle du dialogue entre le Gouvernement et le Parlement, tant il nous est arrivé d'avoir le sentiment d'être un peu seuls entre d'une part, des ministres ne tenant pas beaucoup à ces études parfois perçues surtout comme des contraintes et d'autre part, des parlementaires encore insuffisamment sensibilisés à ce nouvel instrument. J'apprécie donc tout particulièrement le fait de constater aujourd'hui votre intérêt pour ces études d'impact autour desquelles il existe, me semble-t-il, une véritable conjonction de nos intérêts.

Quant à la qualité de l'application de loi assurée par les décrets et les circulaires, elle doit être permise par le nouveau rendez-vous que constitue le rapport d'application de la loi institué par la loi du 9 décembre 2004 par lequel le Gouvernement vous rend compte après un délai de six mois des mesures réglementaires qu'il a prises pour rendre effectifs les textes que vous avez discutés et votés. Pour ma part, je me bats avec les ministères pour qu'ils respectent cette obligation, la remise du rapport étant parfois l'occasion d'un débat sur la qualité de la mise en oeuvre de la loi entre le Gouvernement et le rapporteur du texte.

A la délicate question de savoir combien de lois ont été rendues complètement applicables au bout de ce délai de six mois, je vous répondrai que c'est de l'ordre d'un tiers, mais encore faut-il relativiser ce chiffre, car il ne manque parfois qu'un ou deux décrets pour assurer l'effectivité complète d'une loi et nous savons bien que tous les décrets n'ont pas la même importance. C'est d'ailleurs en raison de cette hiérarchie entre les décrets que nous n'avons pas voulu formaliser le bilan des lois rendues ou non complètement applicables au bout de six mois. Je vous précise d'ailleurs que les réunions interministérielles suivant l'adoption définitive des lois que nous avons avec le cabinet du Premier ministre, autorité politique de contrôle de cette application, sont l'occasion pour les ministères de distinguer les décrets prioritaires de ceux qui le sont moins, sachant qu'en règle générale, l'administration ne peut se charger de tous ces textes en même temps.

Quant au traitement des projets et des propositions de loi, je puis vous assurer qu'il est identique.

Pour ce qui est du nombre de décrets manquants pour les lois de l'actuelle législature, nous avons des difficultés pour les décrets relatifs au transfert des parcs de l'équipement, loi qui semble poser de grandes difficultés.

Quant aux décrets abandonnés, il m'est difficile d'en donner un chiffre précis, étant précisé que lorsqu'un décret nous semble inutile pour l'application d'une loi, nous le supprimons afin d'éviter que l'administration travaille pour rien, et surtout que l'on prenne un risque supplémentaire de s'écarter de l'intention du législateur.

J'ai bien noté la préoccupation exprimée par certains d'entre vous de voir des décrets et circulaires finir par déformer certains textes législatifs, en introduisant des limites ou sujétions aux administrés que le Parlement n'avait pas souhaitées. A ce propos, je rappelle qu'un moratoire a été décidé par le Premier ministre pour les décrets concernant les collectivités territoriales. Il n'y a donc plus de décrets leur imposant de nouvelles contraintes, sauf bien entendu s'ils sont prévus pour l'application des lois que vous avez votées. Le risque demeure bien sûr qu'un ministère soit tenté d'utiliser un décret d'application pour introduire des dispositions contournant le moratoire, ces dispositions faisant alors figure de « passagers clandestins » ; le rôle du commissaire à la simplification est précisément de détecter ces passagers clandestins et de les prier de descendre. Avec certains ministères que je ne nommerai pas, c'est parfois l'occasion d'un dialogue difficile et d'échanges un peu vifs, ce qui indique justement que les règles nouvellement imposées commencent à constituer des contraintes et donc à produire des effets tangibles, ce dont je ne peux bien sûr que me féliciter.

Concernant le cas des textes que l'on modifie car devenus incompréhensibles, j'avoue avoir été quelque peu frappé lorsque j'ai reçu le courrier d'un sénateur me demandant de lui expliquer le sens d'une loi qui venait d'être votée après la réunion d'une CMP, instance dans laquelle le pouvoir exécutif n'est, comme vous le savez, pas représenté. J'ai donc livré à ce parlementaire une certaine interprétation du texte que je ne pouvais véritablement garantir, ignorant les intentions de la CMP. Au final, ma réponse a d'ailleurs été jugée insuffisante par l'intéressé.

A la problématique de l'adoption de dispositions difficilement compréhensibles, s'ajoutent désormais les difficultés, plus nombreuses que par le passé, liées aux lois adoptées par itération, c'est-à-dire au terme d'un processus qui consiste à voter une loi sur un sujet et à la modifier pour l'améliorer un ou deux ans plus tard. Si la démarche expérimentale voulue par la révision constitutionnelle de 2003 ne s'est pas développée autant qu'on le pensait, l'on assiste en revanche à un phénomène d'expérimentation par la loi par lequel l'on adopte des textes que l'on sait pertinemment incomplets dès l'origine, avec l'idée de les améliorer par la suite. Ceci accentue à la fois l'inflation et l'instabilité législatives, c'est-à-dire l'augmentation du volume des normes et le fait qu'elles changent plus souvent qu'auparavant.

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