Le précédent bureau de la délégation nous avait confié une réflexion sur le statut « social » des élus, en parallèle d'un travail mené sur le cumul des mandats, qui vous sera présenté par nos collègues François-Noël Buffet et Georges Labazée le 14 février.
Nous avions déjà présenté les conclusions de ce travail à la délégation en décembre 2010. Nous croyons pouvoir dire, Philippe Dallier et moi-même, qu'elles ont été globalement bien accueillies. Un report de leur adoption avait cependant été souhaité par son président, afin que les contours de certaines de ces propositions puissent être précisés.
L'ensemble des interrogations que nous avions soulevées restent malheureusement d'actualité, ce qui nous conduit à vous les présenter une nouvelle fois aujourd'hui, avec quelques aménagements de forme plus que de fond. Je tiens à préciser que nous avions réalisé ce travail en étroite collaboration avec l'AMF. Depuis, cette dernière n'a pas modifié ses positions à ce sujet.
Si vous le permettez, je voudrais désormais rappeler quelques éléments sur la démarche suivie et l'état de la réflexion sur le statut de l'élu, au risque de me répéter, à l'attention de nos collègues qui ont rejoint la délégation depuis peu.
La question du statut de l'élu local s'est posée de manière nouvelle dès l'acte I de la décentralisation. Les éléments dispersés et disparates qui tenaient lieu de statut de l'élu avant 1982 ne répondaient pas aux exigences nouvelles posées par les transferts de compétences organisés par le législateur.
Dès janvier 1982, le rapport de notre ancien collègue Marcel Debarge avait défini les fondements d'un statut « moderne » de l'élu local. L'objectif était de donner aux élus locaux les moyens de relever le défi de la décentralisation et d'introduire de nouveaux comportements conformes aux exigences de la démocratie.
Bien que la pertinence de l'analyse réalisée par Marcel Debarge n'ait été remise en cause par aucun observateur, il a fallu attendre près de dix ans pour que ses préconisations trouvent une traduction juridique avec la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux. La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ont renforcé le dispositif initial, permettant aux élus d'exercer leurs mandats dans un contexte plus favorable.
L'intention du législateur était double : il s'agissait, d'une part, accorder aux élus locaux le temps nécessaire pour exercer des fonctions de plus en plus lourdes et complexes, et, d'autre part, étendre le bénéfice de ce corpus de règles à un nombre plus grand d'élus locaux, plutôt que de développer un statut particulier pour les présidents d'exécutifs locaux.
La question qui se pose désormais est de savoir si cet édifice législatif suffit à bâtir un statut de l'élu local. La réponse semble négative. Tel est le sentiment exprimé par les élus locaux, mais aussi les parlementaires qui saisissent régulièrement le Gouvernement de la question de l'élaboration, ou de l'achèvement, d'un véritable statut de l'élu.
En décidant de se saisir de cette question, notre délégation a souhaité donner un coup de projecteur sur un statut de l'élu constitué de nombreuses dispositions disparates et sur l'insatisfaction qu'il génère.
L'inventaire et l'analyse que nous avons élaborés dressent un état des lieux mitigé. S'il est incontestable que tous les sujets mis en exergue par le rapport de notre ancien collègue Marcel Debarge (indemnités, protection sociale, droits d'absence) ont reçu des réponses, et qu'aucune catégorie d'élu local n'a été laissée à l'écart par ces évolutions législatives, comment expliquer la persistance d'un sentiment d'insatisfaction ?
Peut-être la logique du statut ébauchée depuis 1992 est-elle arrivée à son terme ? Des aménagements sont, certes, encore possibles et nous allons d'ailleurs vous soumettre des propositions en ce sens ; mais il ne s'agira pas d'une réforme majeure, ni d'un changement de référentiel dans la manière d'aborder la problématique du statut de l'élu.
Alors que les attentes des élus locaux sont de plus en plus importantes, tout comme les charges pesant sur eux, l'heure n'est-elle pas venue d'imaginer un nouveau cadre pour leur permettre d'exercer dans les meilleures conditions leurs mandats ?
Pour essayer d'y parvenir, tout en respectant les contraintes financières qui s'imposent aux collectivités territoriales, nous avons choisi de concentrer notre attention sur trois sujets principaux : premièrement, l'amélioration immédiate du statut des maires ; deuxièmement, l'ajustement des mesures existantes ; troisièmement, une réflexion sur l'opportunité de maintenir le principe de gratuité des mandats.
Je commence par la situation des maires, qui nous a semblé le sujet le plus préoccupant. Une crise des vocations est palpable, comme nous avons pu le constater à l'occasion des dernières élections municipales de 2008. Il faut dire que les charges pesant sur les maires sont de plus en plus lourdes, du fait des transferts de compétences et de la complexité toujours plus grande des politiques publiques ; sans compter les attentes de nos concitoyens, qui sont de plus en plus importantes à l'égard de leurs élus locaux, et de leur maire en particulier.
Il nous a donc semblé indispensable d'apporter une réponse spécifique à la situation des maires et, plutôt que de continuer à saupoudrer en quelque sorte les améliorations du statut de l'élu local, de différencier la situation des maires par rapport aux autres élus locaux.
Notre objectif prioritaire est de permettre aux maires qui le souhaitent de cesser leur activité professionnelle pour exercer leur mandat à temps plein. Cette possibilité leur est, certes, déjà ouverte. Pour autant, les modalités de cette cessation d'activité ne sont pas totalement satisfaisantes, notamment en termes de rémunération : le maire est souvent moins bien payé que certains de ses collaborateurs, et cette rémunération est peu élevée au regard des responsabilités qui lui sont confiées. Nous avions donc proposé une majoration de 50 % de l'indemnité des maires soumise à l'approbation du conseil municipal, réservée à ceux qui cesseraient complètement leur activité professionnelle, une majoration de 25 % pouvant être accordée à ceux qui choisiraient de maintenir une activité professionnelle à temps partiel. L'idée était de venir en compensation des charges assumées par les maires, mais également de les inciter à exercer ce mandat à temps complet, sans que cela ne se traduise par une dégradation matérielle de leur situation. Cette proposition avait suscité une réserve lors de la première présentation de ce rapport, de la part de notre collègue Yves Détraigne. Il avait notamment fait valoir qu'elle pouvait avoir des conséquences dommageables sur les finances des plus petites communes, alors que le développement de l'intercommunalité allait certainement changer la nature de la fonction de maire dans ces mêmes petites communes. Nous avons toutefois décidé de maintenir cette proposition, considérant qu'une amélioration du statut de l'élu implique nécessairement un minimum d'efforts de la part des collectivités - même s'il est évident que ces efforts doivent être maîtrisés.
Les deux autres propositions n'avaient pas soulevé d'opposition. Pour mémoire, il s'agit de prévoir une rémunération des maires au titre des activités effectuées pour le compte de l'Etat, et de relever le seuil démographique à partir duquel un maire bénéficie de l'indemnité de fonction fixée au taux maximal par la loi (passer de 1 000 à 3 500 habitants), sauf avis contraire du conseil municipal.
Ces trois mesures, d'inégale importance, nous semblent de nature à renforcer le statut des maires, dont le rôle dans notre système local est irremplaçable et dont l'action est saluée par nos concitoyens.