Dans un deuxième temps, nous avions proposé un ajustement la législation actuelle afin d'améliorer ponctuellement la situation des élus locaux.
Ces propositions peuvent être regroupées autour de trois grandes catégories composant l'actuel statut de l'élu local : les droits d'absence, les retraites et le statut juridique de leur indemnité. Je me permets à mon tour de les exposer.
Comme vous le savez, la plupart des élus locaux bénéficient de plusieurs dispositifs dits de droits d'absence : autorisations d'absence, crédits d'heures, congé formation, congé pour se présenter aux élections locales et, bien entendu, possibilité de suspendre son contrat de travail. L'objectif de ces dispositifs est de leur permettre de concilier une activité professionnelle avec l'exercice d'un mandat local. S'ils peuvent apparaître insuffisants ou incomplets, il n'en demeure pas moins que le législateur a cherché à définir un équilibre fragile entre l'intérêt de l'employeur de l'élu local et les contraintes liées à l'exercice du mandat.
Dans ce domaine, les propositions que nous avions faites n'avaient pas soulevé de difficultés, sous réserve du remplacement du terme de « droit à la cessation d'activité » par celui de « suspension du contrat de travail », plus intelligible, à la demande de notre président d'alors, M. Claude Belot. En réalité, les deux expressions figurent dans notre droit ; le code général des collectivités territoriales parlant de la « cessation d'activité » et renvoyant aux dispositions du code du travail, qui, de son côté, parle de « suspension du contrat de travail ». Comme il s'agit, dans le cadre de notre rapport, d'ouvrir des pistes et non de formaliser une proposition de loi, nous ne voyons pas d'objection à parler de « suspension de contrat de travail ». Sur le fond, il s'agit d'élargir les catégories d'élus susceptibles d'être autorisés à suspendre leur contrat de travail pour se consacrer à leur mandat, en ouvrant cette possibilité aux adjoints des communes et vice-présidents d'EPCI à fiscalité propre de plus de 10 000 habitants, ainsi qu'aux conseillers territoriaux. Je précise que la proposition de loi visant à renforcer l'attractivité et à faciliter l'exercice du mandat local adoptée par le Sénat en juin 2011 à l'initiative de nos collègues Bernard Saugey et Marie-Hélène des Esgaulx prévoit également que ce droit soit étendu, mais aux seuls adjoints des communes de plus de 10 000 habitants.
L'autre proposition que nous avions formulée consiste à accorder le bénéfice du crédit d'heures aux conseillers municipaux élus dans les communes de moins de 3 500 habitants qui sont, à ce jour, les seuls élus exclus de ce dispositif. Celui-ci, rappelons-le, permet à l'élu de disposer du temps nécessaire à l'administration de la commune, c'est à-dire à la préparation des réunions des instances dans lesquelles il siège.
Hormis les droits d'absence, nous avions également proposé des ajustements législatifs dans le domaine de l'acquisition des droits à pension. Deux évolutions sont envisageables. Il s'agirait, d'une part, de rendre obligatoire, pour les élus qui n'ont pas cessé leur activité professionnelle, l'adhésion au régime de retraite par rente. Cette adhésion est aujourd'hui facultative et un certain nombre d'élus locaux y renoncent pour éviter de faire peser un poids supplémentaire sur les finances communales. D'autre part, dans le même esprit, nous estimons nécessaire que les élus cessant leur activité professionnelle pour se consacrer à leur mandat puissent également souscrire à cette retraite par rente qui, je le rappelle, constitue une dépense obligatoire pour les collectivités territoriales. Cette dernière proposition représente une rupture avec le droit actuel selon lequel la retraite des élus locaux est formée de deux niveaux seulement (régime général et Ircantec ou Ircantec et retraite par rente).
Nous souhaitons ainsi, dans le prolongement de nos propositions précédentes, favoriser les élus qui cessent leur activité pour se consacrer à leur mandat local, afin que ce choix ne se traduise pas par une dégradation de leur situation matérielle.
Dans un troisième temps, il nous semble nécessaire que les pouvoirs publics se penchent sur le statut juridique des indemnités versées aux élus locaux qui, vous le savez, ne présente ni le caractère d'un salaire, ni celui d'un traitement, ni celui d'une rémunération quelconque. Pourquoi préciser ce statut juridique alors que la question de la fiscalité de l'indemnité ou du prélèvement des cotisations sociales a été réglée ? Notre présidente Mme Jacqueline Gourault avait eu l'occasion de le souligner devant nous, avec force, lors de la table ronde organisée par notre délégation le 1er juin 2010. Il s'agit de lever certaines incertitudes auxquelles sont confrontés les élus locaux. C'est le cas notamment du statut de la fraction représentative des frais d'emploi. Cette fraction non imposable, versée à tous les élus locaux qui perçoivent une indemnité, pose des problèmes concrets aux élus, notamment en cas de cumul d'indemnités avec des allocations ou des prestations versées sous condition de ressources. C'est pourquoi plusieurs de nos collègues ont adressé au gouvernement de nombreuses questions écrites sur la situation des élus locaux qui se voyaient privés du bénéfice de l'allocation adulte handicapé (AAH), du fait d'une mauvaise interprétation de la prise en compte de la fraction représentative des frais d'emploi dans le calcul de la rémunération des élus. Il s'agit là de clarifier le droit en vigueur afin de sécuriser la situation des élus locaux.
M. Claude Belot avait regretté le caractère imprécis de la proposition visant à « préciser la définition juridique de l'indemnité ». Nous la maintenons toutefois, considérant que les propositions que nous faisons ne constituent pas une proposition de loi mais des pistes de réflexion. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas souhaité régler définitivement cette question, mais appeler à une analyse plus approfondie, d'autant plus nécessaire que toute décision prise en la matière aura des conséquences dans un certain nombre de domaines, qu'il convient d'évaluer avec précision en amont, en concertation avec les élus locaux.
Pour conclure, je voudrais aborder un sujet particulièrement complexe et polémique, comme j'avais déjà eu l'occasion de le faire lors de la première présentation de ce rapport, celui de la gratuité du mandat. Nous estimons nécessaire d'aller de l'avant sur la question du statut de l'élu afin de tenir compte des contraintes de plus en plus lourdes qui pèsent sur les élus locaux.
Aussi, nous nous interrogeons sur l'opportunité de maintenir le principe de gratuité des mandats locaux qui a, jusqu'à présent, constitué un frein à l'adoption d'un statut plus protecteur des élus. La suppression de ce principe est souvent perçue comme synonyme de professionnalisation des fonctions électives. Or, ce terme de professionnalisation - utilisé comme repoussoir dans de nombreux débats sur le statut de l'élu - est impropre. Ce que nous voulons éviter, ce n'est pas la professionnalisation des élus locaux, qui est nécessaire, mais bien la création d'un statut comparable, par exemple, à celui de la fonction publique, qui offrirait aux élus une carrière avec des revalorisations régulières de salaires, voire des promotions.
Nous pensons que la suppression du principe de gratuité ne conduit pas automatiquement à l'instauration d'une « carrière ». Aussi souhaitons-nous inviter les membres de notre délégation, nos collègues sénateurs et l'ensemble des acteurs à une réflexion rénovée sur ce thème et sur les moyens de mettre en oeuvre un statut de l'élu protecteur, susceptible de répondre aux attentes des élus locaux et aux défis qu'ils relèvent quotidiennement.