Je ne dirai pas que j'ai eu des problèmes avec M. Claude Gatignol mais il a bien fallu préciser les choses, la problématique de la santé vue par un vétérinaire pouvant être éclairée différemment par un médecin préoccupé de santé humaine.
Nous avons donc été conduits à séparer la problématique humaine, que j'ai personnellement prise en charge, de la problématique environnementale qui a été essentiellement traitée par Claude Gatignol.
Nous avons eu sur cette affaire des discussions très longues que je ne vous rapporterai pas ici, non par volonté de vous cacher quoi que ce soit mais pour vous faire gagner du temps. Il est très important que cette affaire soit prise en compte comme une interférence obligée. Cette différence d'appréciation entre sa préoccupation et la mienne a été au demeurant plutôt dommageable à la rédaction du rapport. Pourquoi ? Parce que c'est un domaine qui me passionne tout comme il le passionne, chacun avec ses problématiques. Or, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, on ignore par définition ce que l'on ne sait pas ! On vit un peu trop avec des a priori découlant de l'observation immédiate.
On lit énormément, on entend des dizaines d'intervenants, tous plus pointus les uns que les autres, pour recueillir finalement une information qui ne nous satisfaisait pas. Nous sommes même allés aux États-Unis d'Amérique. Devant la problématique telle qu'elle était vécue là-bas, Claude Gatignol et moi-même en avons retiré une appréciation différente.
Cela signifie que la rigueur scientifique, dans ce genre de démarche, ne s'impose pas toujours avec l'absolu que l'on voudrait. Or, de tels travaux doivent être réglés avec une rigueur extrême. C'est l'esprit de Claude Bernard qui doit guider l'investigation. Les choses doivent se faire avec une vertu quasi expérimentale, faute de quoi chacun peut y trouver un élément qui le conforte dans son opinion et en faire une vérité universelle !
Je viens de le vivre au Conseil économique et social à propos de mon rapport sur la prévention et la santé des hommes qui a eu le bonheur d'être approuvé à l'unanimité. Ce rapport peut éclairer rétrospectivement les problèmes que nous avons vécus...
Deux ans plus tard, je me suis retrouvé avec notre collègue Gilbert Barbier pour établir notre rapport sur la santé humaine, qui comportait trois grands chapitres : l'un sur les pesticides et les troubles neurologiques, un autre sur les pesticides et les cancers dans le cadre des études épidémiologiques et un troisième sur les perturbateurs endocriniens, qui justifiaient selon nous à eux seuls un état des lieux des connaissances en la matière. Ce qui fut dit fut fait. Deux ans plus tard, mon collègue Gilbert Barbier et moi avons mené un travail passionnant mais partiel pour ce qui me concerne, ayant dû quitte le Sénat pour rejoindre le Conseil économique et social.
Ce rapport, dont M. Gilbert Barbier vous parlera bien mieux que je ne pourrais le faire, met en évidence le fait que, s'agissant des perturbateurs endocriniens, des troubles neurologiques et des cancers, il se dit tout et rien. Le Pr. Belpomme, honorable collègue féru en cancérologie, affiche certaines certitudes ; d'autres prétendront qu'il n'apporte pas de démonstration scientifique. On manque d'avancées scientifiques en la matière car on a considéré le problème sous l'angle de l'efficience et de l'impact sur les conséquences pour la santé de nos concitoyens avant de mener une étude rigoureuse sur la méthodologie dont il fallait user pour travailler ces questions.
Cette affaire a été étudiée par l'Académie de médecine qui a mis en évidence deux points faibles sur le plan méthodologique qui valent - je crois - pour tous nos rapports. Il s'agit de l'insuffisance de la science toxicologique en France et de la problématique de l'interprétation de l'effet-dose sur les patients. Certaines de ces notions datent mais ont survécu jusque-là ; elles ont été établies à partir de relevés de terrain accumulant quelques observations à un endroit puis à d'autres, dans des environnements pouvant être différents et surtout avec un manque de travail et de recherche sériée prouvant le lien entre la vie de l'homme et son environnement.
L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) l'a bien montré : nous sommes ce que notre carte génétique fait de nous mais ce n'est pas si simple car on conclut que la résonance entre notre carte génétique et l'environnement est singulière et différente d'un type de génome à un autre.
Les États-Unis d'Amérique vont très loin dans cette affaire de génétique et de médecine prédictive : c'est abominable, je n'hésite pas à le dire ! Certains États, certaines entreprises ou groupes d'assurances américains embauchent les personnes ou fixent les tarifs de leur assurance en fonction du génome de leurs clients...