Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que 800 millions de personnes ne mangent pas à leur faim dans les pays en développement, on doit mesurer les effets de la libéralisation agricole, engagée dans le cadre de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce.
Les effets néfastes de cette libéralisation pour les pays et les exploitations les plus fragiles sont avérés. La concurrence globale toujours plus forte entre les marchés agricoles mène inéluctablement à l'exclusion des plus petits exploitants et à une concentration des richesses. En témoigne l'amplification constante de la fracture entre un Nord riche et un Sud pauvre.
Le cinquième de la population mondiale, le plus démuni, ne dispose que de 1, 5 % des ressources de la planète, tandis que le cinquième le plus riche en détient, à lui seul, 80 %.
Ainsi, libéraliser à tout va, sans se poser la question des effets produits, aboutit à faire reposer la sécurité alimentaire sur la production des pays les plus compétitifs.
La FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, estime que le déficit commercial agricole des pays en développement atteindra 31 milliards de dollars d'ici à 2030, contre 18 milliards de dollars en 2015. Celui des pays les moins avancés, dont les importations à la fin des années quatre-vingt-dix étaient, en valeur, deux fois supérieures aux exportations, sera multiplié par quatre d'ici là.
Face à cette situation, les signataires des accords OMC doivent respecter leurs engagements concernant l'aide alimentaire aux pays les plus vulnérables. En outre, ils doivent reconnaître le droit à l'autosuffisance alimentaire et garantir des prix minima pour les agricultures paysannes.
Avant tout, un bilan contradictoire sur les effets de la libéralisation engagée par l'Organisation mondiale du commerce devrait être réalisé au plus vite.
Par ailleurs, la question de l'accès au marché des produits d'exportations est primordiale pour les pays en développement, car elle conditionne la mise en valeur de leur potentiel agricole. Certes, l'accord sur l'agriculture a entraîné des réductions tarifaires à l'entrée des marchés des pays développés, mais ces mesures, largement inefficaces, n'ont pas, hélas ! permis aux pays du Sud de combler leur retard.
S'agissant des aides internes, les pays en développement, en raison des programmes d'ajustement structurel, soutiennent très peu leur agriculture. En outre, le fait d'avoir notifié des soutiens nuls à l'OMC les empêche, en raison des périodes de référence utilisées par les règles multilatérales, de mettre en oeuvre aujourd'hui des mécanismes de soutien aux prix et de régulation des cours.
Actuellement, la seule possibilité pour un pays en développement est d'utiliser les aides classées en boîte verte, c'est-à-dire entièrement découplées de la production. Comme le budget de l'Etat les finance directement, son faible niveau, conjugué au poids de la dette, les rend en fait inaccessibles à la plupart des pays en développement.
Les pays développés, quant à eux, ont négocié un accord protégeant leurs politiques agricoles. En 2002, le soutien total à l'agriculture dans les pays riches est estimé, dans l'ensemble de la zone OCDE, à 318 milliards de dollars.
Monsieur le ministre, face à ce constat alarmant, il est grand temps d'établir un bilan détaillé et contradictoire des effets de la libéralisation agricole, afin de proposer des solutions à la fracture entre le Nord et le Sud.
L'impératif d'autosuffisance et de sécurité alimentaire exige une exception au libre-échange et nécessite un revirement total des politiques au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
La France, avec ses partenaires européens, doit demander le gel immédiat des négociations actuelles sur le commerce de denrées agricoles, dans l'attente de la réalisation du bilan demandé.
Tel est le sens de notre amendement.