Intervention de Gilbert Barbier

Mission d'information sur les pesticides — Réunion du 27 mars 2012 : 1ère réunion
Table ronde d'auteurs de rapports de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques opecst

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Il faut aborder le sujet des perturbateurs endocriniens avec beaucoup de modestie ; c'est une science relativement nouvelle. Même si, depuis vingt ou trente ans, on a beaucoup évolué, on est encore dans un secteur où il y a beaucoup de travail à mener en matière de recherche. Ce que l'on peut dire aujourd'hui n'est peut-être donc pas définitif : c'est un point d'étape important.

Je pense que ce rapport concerne plus la seconde partie de la mission que vous vous êtes fixée car je n'ai pas abordé le problème des maladies professionnelles que vous évoquez maintenant. Il s'agissait alors essentiellement des relations avec l'environnement soumis aux perturbateurs endocriniens.

Je voudrais revenir sur le sujet traité par Mme Marie-Christine Blandin et M. Jean-Claude Etienne : les perturbateurs endocriniens ont profondément modifié la toxicologie classique. Traditionnellement, un produit avait une dose mortelle ; on la divisait par deux pour connaître la dose journalière admissible. En matière de perturbateurs endocriniens, cela est complètement dépassé, l'effet-dose n'existant pas ! Certains évoquent, concernant ces perturbateurs, une courbe de Gauss qui produirait un effet maximum en fonction de la dose. C'est une notion assez nouvelle qui contredit la toxicologie classique. Pendant longtemps, un certain nombre de produits présents dans les milieux naturels ne pouvaient être détectés du fait de leur très faible quantité. Aujourd'hui, on en est au nanogramme, qui n'existait pas il y a quelques dizaines d'années.

Le second aspect de cette affaire réside dans l'évolution de la toxicologie. Autant il existe, en matière de perturbateurs endocriniens, des expériences sur l'animal, des prélèvements dans la nature, autant les données restent très restreintes en matière épidémiologique.

Certains objectent que ce qui se passe chez la souris ou chez les poissons n'est pas forcément transposable à l'homme. On a évidemment du mal à répondre et à affirmer le contraire.

Une des propositions importantes de ce rapport porte sur la nécessité de savoir. On peut avancer toutes les hypothèses que l'on veut, les données épidémiologiques sont encore insuffisantes.

Un autre point complique ce rapport : environ 800 molécules sont recensées concernant les pesticides ; à peu près la moitié est aujourd'hui interdite. Il en reste une bonne moitié à étudier et il y aurait lieu d'interdire assez rapidement vingt-deux substances répertoriées.

Cela se fait à travers la directive européenne « Registration, evaluation, authorisation and restriction of chemicals » (REACH) mais les choses vont doucement.

La notion importante qui a été prise en compte au cours des dernières décennies a concerné les cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Le problème de cancérogénèse n'est guère évident à diagnostiquer rapidement. La reprotoxicité nécessite encore plus de temps pour pouvoir être observée. On en a un exemple célèbre avec le problème du distilbène qui a été donné aux femmes enceintes pour éviter de perdre leur enfant, dans les années 1960 à 1970. Les deuxièmes générations en subissent aujourd'hui encore les effets. Le taux de malformations génito-urinaires, notamment chez les filles, est dix fois supérieur aux malformations décelées habituellement. On en est parfois à la troisième génération. Personnellement, en tant que chirurgien, je n'ai jamais prescrit de distilbène ...

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