Avant que Florence Chappert, responsable du projet « genre et conditions de travail » au sein de l'ANACT ne développe les questions de santé et conditions de travail des femmes, je souhaiterais rapidement vous rappeler ce qu'est l'ANACT et la manière dont nous avons investi ce sujet.
L'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail est un établissement public administratif, à gouvernance tripartite. La date de création de l'ANACT - en 1973 - correspond à la fin des « trente glorieuses ». La « crise » oblige, à cette époque, à repenser la place du facteur humain dans les organisations de travail et cette réflexion porte sur une population d'ouvriers diversement qualifiés. La mise en place de cette nouvelle organisation, apparemment « neutre » du point de vue du genre, dissimule le fait que l'on pense, en réalité, au masculin.
Ce qui est surtout remarquable à cette époque, c'est que les préoccupations de l'emploi prennent le pas sur les questions liées au travail. Ces dernières ne referont surface, au sein des directions d'entreprise, des confédérations syndicales et du grand public, que sous la pression de la forte médiatisation des questions de souffrances, de stress au travail et de risques médico-sociaux.
Pour le dire schématiquement, nous nous trouvons à l'heure actuelle à un point de bascule où l'ensemble des acteurs aspire à trouver un nouveau cadre pour pouvoir penser les évolutions du travail, sur lequel pourraient se fabriquer les compromis indispensables à l'organisation collective du travail.
Or, deux éléments de pensée sont en train de structurer cette réflexion : d'une part, il s'agit de dépasser le modèle de « l'homme blanc d'âge moyen » pour élargir à la diversité des populations l'horizon du cadre de pensée des politiques du travail ; d'autre part, il nous paraît primordial de ne plus aborder la question du travail par la seule approche des risques, mais de repenser le travail comme une source majeure d'émancipation, vecteur de citoyenneté et d'accomplissement de soi, en ce sens qu'il permet à chaque individu d'être confronté à ses propres fins et au collectif, ce qui est essentiel dans une société qui devient de plus en plus complexe et individualiste.
Ces deux vecteurs - la prise en compte de la diversité des populations et la considération du travail comme source d'émancipation - constituent deux leviers majeurs pour repenser le cadre de l'organisation du travail.
La délibération sociale qui a lieu en ce moment sur la qualité de vie au travail - qui porte sur l'articulation des temps, l'allongement de la vie professionnelle, l'égalité homme-femme -, est à mon sens, révélatrice d'un déplacement du cadre de référence des négociations sociales, autrefois cadrées par le volet réglementaire, qui repose sur les notions de compensation et de réparation.
L'introduction de la dimension « genrée » dans l'analyse de l'organisation du travail s'inscrit donc dans ce mouvement de redéfinition assez profonde du cadre de référence qui nous paraît nécessaire pour pouvoir instruire les nouveaux enjeux du travail.