Intervention de Florence Chappert

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 5 avril 2012 : 1ère réunion
Femmes et travail — Audition de Mme Pascale Levet directrice technique et scientifique de l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail anact et Mme Florence Chappert chargée de mission responsable du projet « genre et conditions de travail »

Florence Chappert, responsable du projet « Genre et conditions de travail » :

Cela fait plus de 3 ans, dans le cadre de l'actuel contrat de progrès qui lie l'ANACT avec le ministère du Travail, que le réseau ANACT développe une approche « genrée » des conditions de travail. Elle a pour objectif de mailler les enjeux de santé au travail avec les enjeux d'égalité.

En effet, le constat de nos interventions en entreprises nous conduisent à soutenir que les diagnostics et recommandations pour améliorer les conditions de travail et mieux prévenir les problèmes de santé au travail gagnent en pertinence en prenant en compte la situation différenciée des femmes et des hommes dans le travail et dans le hors travail. C'est ce que nous appelons prendre en compte le genre. A l'inverse, les questions d'égalité dans l'emploi ne peuvent aujourd'hui progresser qu'en prenant en compte aussi les questions de santé des femmes et des hommes qui sont liées aux questions de répartition sexuée des métiers, de précarité, de cumul travail/hors travail, de pénibilité des tâches et d'usure professionnelle liée à l'absence de parcours.

Je vais successivement développer quatre points pour étayer mon argumentation.

Le premier porte sur les impacts différenciés du travail sur la santé des femmes et des hommes. Pour aborder cette question, il nous a fallu « défricher » une matière peu étudiée, que sont les effets différenciés du travail sur la santé. En effet, les statistiques sexuées en matière de santé au travail sont rarement produites et encore moins diffusées par les institutions chargées du travail, de la prévention ou par les entreprises. Quand elles sont disponibles, elles sont très difficiles à analyser, car les moyennes masquent des disparités très fortes notamment au regard du sexe ou du statut d'emploi, sans compter les écarts croissants au sein de la catégorie des femmes.

Nous avons donc décidé d'appuyer notre analyse sur les taux de sinistralité des hommes et des femmes en nous servant des statistiques d'accidents de travail, de trajet et de maladies professionnelles de la Caisse nationale d'assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Ils montrent des taux d'évolution très différenciés selon le sexe depuis une dizaine d'années.

Sur les 18 millions de salariés de la CNAMTS, le nombre d'accidents du travail (AT) tend à diminuer en moyenne mais celle-ci cache de fortes disparités, notamment si l'on prend en compte le sexe : ainsi entre 2000 et 2010, les AT des hommes ont diminué de - 21 % tandis que ceux des femmes ont augmenté de + 23,4 %, même s'ils ne représentent encore qu'un tiers du volume total.

Ces chiffres varient, en outre, en fonction des secteurs.

A titre d'exemple, dans des secteurs traditionnellement masculins comme la métallurgie, la chimie, le bois, dans lesquels les effectifs diminuent, le nombre d'accidents de travail - hommes et femmes - diminue, alors que dans les secteurs des services - services à la personne, santé - beaucoup plus féminisés, on assiste à une très forte augmentation du nombre des accidents de travail pour les femmes, alors même qu'il diminue pour les hommes. On peut expliquer cette évolution par l'augmentation de l'effectif salarié et par une féminisation des emplois exposés aux risques dans ces secteurs, mais on peut également émettre l'hypothèse que les politiques de prévention des risques touchent moins les femmes que les hommes, eu égard à la division sexuée des emplois.

Pour l'instant, nous ne pouvons aller plus loin dans l'analyse, notamment parce que la CNAMTS ne fournit pas d'indicateurs de sinistralité sexués qui permettraient de rapprocher le nombre d'accidents (hommes-femmes) de la population totale salariée, ce qui impliquerait de mettre en relation les bases sexuées des effectifs avec les indices de sinistralité.

L'autre raison est que ces chiffres bruts n'ont pas fait l'objet de recherches. On manque donc aujourd'hui de facteurs explicatifs.

D'autres statistiques vont dans le même sens. Ainsi, pour la première fois en 2009, les statistiques de la CNAMTS nous révèlent que le nombre d'accidents de trajet des femmes dépasse celui des hommes. De même, le nombre de maladies professionnelles déclarées des femmes dépasse celui des hommes en 2010, leur nombre ayant augmenté sur 2001-2010 de + 162 % contre + 73 % pour les hommes.

En ce qui nous concerne, nous pensons qu'il faut chercher dans l'organisation du travail la cause de l'impact différencié du travail sur la santé des hommes et des femmes.

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