Je n'ai pas connaissance de statistiques publiques en la matière, mais il semble que ce genre de situations soit en augmentation. Si on fait le parallèle avec le secteur des services à la personne, on estime que les femmes ont plusieurs employeurs - ce qui explique la croissance de 30 à 40 % des accidents de trajets dans ce secteur d'activité.
L'analyse de l'écart des espérances de vie est également intéressante. Les femmes bénéficient toujours d'une meilleure espérance de vie que les hommes, mais on constate des évolutions différenciées en fonction des catégories socioprofessionnelles. Ainsi, les effets du travail commencent à faire leur oeuvre, non seulement sur la longévité à proprement parler, mais surtout sur l'espérance de vie en bonne santé, pour laquelle l'écart n'est plus que d'un an et sept mois entre les femmes et les hommes !
Pour conclure cette première partie, je dirai que nous ne pouvons plus nier aujourd'hui les inégalités de santé entre les hommes et les femmes au travail.
Ils sont pour nous des pistes très intéressantes pour réinterroger l'organisation actuelle du travail et identifier les leviers qui vont permettre de mettre en place de nouveaux dispositifs de prévention et de réorganisation du travail.
Il nous paraît essentiel aujourd'hui de ne pas céder à la tentation de l'explication essentialiste - qui voudrait que les femmes soient plus vulnérables par nature - et de bien identifier dans la division sexuée de l'organisation du travail et dans la structure des emplois la cause réelle de la dégradation de la santé des femmes au travail.
Le deuxième facteur explicatif des différences d'impact du travail sur la santé des femmes et des hommes réside dans le temps de travail et les conditions d'emploi au sens large du terme. Les femmes et les hommes ne sont pas exposés aux mêmes conditions d'emploi, ni aux mêmes contraintes de temps, considérées globalement, y compris le temps hors travail.
D'une part, les horaires atypiques d'emploi restent l'apanage des femmes et la précarité tend à s'accroître avec l'âge ; d'autre part, la répartition des rôles dans la sphère familiale fait que les femmes continuent d'assumer la plus grande part du travail domestique, en plus de leur travail professionnel.
Le troisième facteur est l'invisibilité des pénibilités et des risques des emplois à prédominance féminine.
Le document unique d'évaluation des risques que toute entreprise est en obligation d'instruire ne prend le plus souvent pas en compte les risques et les pénibilités auxquels les femmes sont exposées dans les emplois qu'elles occupent et se concentre toujours sur les emplois à très fort danger ou à très fort risque, traditionnellement reconnus par les partenaires sociaux.
Quatrième facteur : les critères de mobilité et les conditions de travail retenus pour la gestion des ressources humaines ne permettent pas le plus souvent aux femmes de faire des parcours ascendants similaires à ceux des hommes. Les femmes demeurent confinées dans des parcours pénibles, précaires, descendants, comme l'expose l'étude de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) « santé et itinéraires professionnels » sur les différences de parcours des femmes et des hommes.