L'affaire est ancienne puisque les hôpitaux ont toujours recruté de la main-d'oeuvre non statutaire, médicale ou non. Pendant un certain temps, le conservatisme du corps médical a empêché la création d'un statut adapté.
Les médecins diplômés hors de l'Union européenne sont toujours suspectés de ne pas être compétents, alors qu'ils ont souvent été formés en France. On a recruté des « faisant fonction d'internes », qui occupaient ensuite des places de médecins hospitaliers. La première question de fond est donc : pourquoi n'y a-t-il pas plus de médecins dans les hôpitaux publics ? La deuxième question de fond concerne les 22 % de médecins à temps plein et les 37 % de médecins à temps partiel qui manquent car on ne peut laisser de trous dans l'encadrement des services, ne serait-ce que pour assurer la continuité du service public.
La couverture juridique par des médecins statutaires est illusoire car elle n'existe que sur le papier. En cas d'accident imputable à un médecin en situation juridique précaire, la situation deviendrait très compliquée pour l'établissement ; or c'est ce que l'avocat de la partie civile vérifie en premier - j'ai eu l'occasion de le constater.
Pour toutes ces raisons, un véritable statut est nécessaire. L'échéance aurait pu être postérieure à 2016, car je pense que plus de sept mille médecins sont concernés. Dans nombre de déserts médicaux, des services entiers fonctionnent exclusivement avec des praticiens diplômés hors de l'Union européenne.
J'ai entendu parler de cette affaire pendant toute ma carrière hospitalière, et aussi depuis que je l'ai quittée. Pour fonctionner, certains établissements ont prospecté en Tunisie, au Maroc, mais aussi à Moscou, au sein de l'Université russe de l'Amitié des peuples Patrice Lumumba, ce qui posait, à l'occasion, des problèmes de langue.
Cette proposition de loi ne résoudra pas les questions de fond, car leurs budgets contraints conduisent les hôpitaux à rechercher la main-d'oeuvre bon marché, même médicale, ce qui pose le problème de la prolétarisation.
Il faut donc voter ce texte, qui apporte une réponse immédiate, bien qu'elle soit parcellaire, temporaire et fragile.