Intervention de Norbert Gaillard

Mission commune d'information Agences de notation — Réunion du 13 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Norbert Gaillard économiste consultant auprès de la banque mondiale auteur de plusieurs ouvrages et articles sur les agences de notation

Norbert Gaillard :

La faillite de Lehman Brothers et l'incapacité des agences à prévoir ce cataclysme financier s'expliquent par plusieurs éléments.

Les agences ont été incapables d'établir des diagnostics fiables sur les produits structurés parce qu'elles étaient en premier lieu au coeur de conflits d'intérêts. Je rappelle qu'elles ont joué un rôle de consultant occulte auprès d'institutions financières et ont noté les mêmes produits en amont et en aval.

En outre, ces produits structurés ont constitué jusqu'à 50 % du chiffre d'affaires des agences en 2007 ; il était hors de question de risquer de perdre la clientèle de ces institutions financière en même temps que des milliers de produits ! Les auditions menées il y a environ deux ans ont démontré que le « top management » de Moody's avait d'ailleurs exercé des pressions pour surnoter les produits en question...

Le second problème vient de l'incapacité quantitative et qualitative de disposer de ressources humaines suffisantes pour noter les produits structurés, ce qui inclut les subprimes.

Qualitativement, on a vu qu'il existait un réel problème pour comprendre les montages juridiques et pour parvenir à une modélisation du risque. On s'est inspiré de modèles « corporate » pour noter des produits structurés alors que ceci n'avait rien à voir !

Quantitativement, on compte trop peu d'analystes au sein des agences. J'ai insisté auprès du Parlement européen sur le fait qu'il faudrait instaurer un nombre limite d'émetteurs de dettes par portefeuille d'analyste. Au milieu des années 2000, un analyste devait noter jusqu'à 35 ou 40 émetteurs de dettes. Ce n'est pas raisonnable ! Officieusement, des analystes m'ont dit qu'au lieu de réviser la note tous les ans -la révision implique des discussions avec l'émetteur de la dette- celles-ci avaient lieu tous les deux ans début 2000. Les notes n'étaient donc pas fiables : elles étaient « arrangées ».

Il s'agit là d'un vrai problème de déontologie. J'ai proposé que l'on instaure un maximum de 15 à 18 émetteurs de dettes par portefeuille d'analyste. Cela représente déjà un travail important.

Concernant Lehman Brothers, personne n'a vu venir le coup. On était alors dans la logique du « too big to fail » et on ne pensait pas qu'un risque de faillite de la cinquième banque d'affaires américaine soit possible.

Dans quelle mesure le fait que M. Paulson, secrétaire au Trésor américaine, ait été un ancien de Goldman Sachs n'a pas joué dans sa décision d'abandonner Lehman Brothers à son sort ?

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