Elle ne fait pas partie de l'Union, évidemment, mais c'est tout le problème des lieux de passage : une crise politique peut avoir des répercussions sur l'approvisionnement... Mais ce n'est pas le sujet qui nous occupe aujourd'hui.
La Commission européenne s'est donc penchée sur les accords bilatéraux, à la demande du Conseil mais va toutefois plus loin que le mandat qui lui était confié. Devait-elle s'impliquer davantage, et à quel point ?
En premier lieu, le texte prévoit que des accords commerciaux auxquels font référence les accords intergouvernementaux devraient être notifiés à la Commission. En second lieu, les projets intergouvernementaux seraient notifiés à la Commission dès le début des négociations, et celle-ci pourrait, de sa propre initiative, vérifier leur compatibilité avec le droit européen. Enfin, la Commission pourrait définir des clauses standard pour de futurs accords.
La France, comme la plupart des États membres, y compris la Pologne, a fait valoir ses réserves sur les deux premiers points. En effet, il paraît difficilement pensable de transmettre le contenu complet des accords commerciaux à la Commission européenne : la nécessité de préserver la confidentialité des opérations s'y oppose. Le Conseil comme le Parlement européen souhaitent revenir sur ce point. Je vous proposerai donc d'approuver la commission des affaires européennes du Sénat, qui, dans sa proposition de résolution « attire l'attention sur la nécessité de préserver les intérêts commerciaux des entreprises énergétiques européennes ».
La France s'est jusqu'ici montrée réservée sur les clauses standards, considérant que les États étaient capables de rédiger eux-mêmes les accords bilatéraux. Le Conseil, ainsi que le rapporteur au Parlement européen, soutiennent toutefois que de telles clauses favoriseraient la sécurité juridique des accords et ne constituent pas une intrusion de la Commission, à condition qu'elles soient facultatives. Je vous proposerai un amendement allant dans le même sens.
La question la plus difficile est celle de l'implication de la Commission dans les négociations. La commission des affaires européennes soutient la Commission lorsque celle-ci demande la possibilité, à sa propre initiative, de vérifier la compatibilité d'un projet d'accord intergouvernemental avec le droit européen avant sa signature. C'est un point essentiel, sur lequel je propose un amendement.
Les positions ont évolué au sein du Conseil. Alors que le projet initial prévoyait que les États membres « devaient » informer la Commission de l'ouverture de négociations afin de lui donner le temps d'examiner le projet, la plupart des pays admettent désormais que cette notification devrait être facultative, c'est-à-dire que l'intervention de la Commission aurait lieu en accord avec l'État membre. Très peu d'États soutiennent le principe d'une intervention de la Commission de sa propre initiative : il s'agit de la Lettonie, dont est originaire le rapporteur au Parlement européen, et surtout de la Lituanie. Cette dernière, contrainte par l'Union de fermer ses deux centrales nucléaires qui assuraient son indépendance énergétique, n'a désormais d'autre choix que de faire appel au gaz russe.
Pour autant, cela justifie-t-il de donner à la Commission un tel rôle dans un domaine qui relève de la seule compétence des États ? Chaque État est libre de faire appel à elle si besoin - comme l'a fait la Pologne en 2010, lorsqu'elle a renégocié avec la Russie. Prévoir une implication obligatoire de la Commission, c'est en fait remettre en cause plusieurs principes européens. Le premier, inscrit dans le traité de Lisbonne, est celui de la souveraineté des États dans la fixation du bouquet énergétique. Le second est que la mise en oeuvre du droit de l'Union repose en premier lieu sur les États. Aucun intérêt particulier de l'Union ou des États membres ne semble justifier ici une exception.
Pour ces raisons, je vous propose de reconnaître l'intérêt de l'intervention de la Commission avec l'accord de l'État membre concerné, afin de concilier les intérêts de certains nouveaux États membres qui ont besoin du soutien européen avec la volonté de la plupart des États de préserver leur souveraineté en matière énergétique. Sur un sujet aussi sensible, chaque pays a une approche qui lui est propre, en fonction de son histoire, de sa situation géostratégique, de sa culture et de son mix énergétique.