Intervention de Bruno Sido

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 15 décembre 2011 : 1ère réunion
La sécurité nucléaire la place de la filière et son avenir — Examen des conclusions du rapport

Photo de Bruno SidoBruno Sido, sénateur, rapporteur :

Je vais compléter les scénarios qu'a présentés M. Christian Bataille par quelques remarques concernant l'avenir de la filière nucléaire.

Comme nous l'avons vu, celle-ci doit continuer à jouer son rôle dans un esprit de complémentarité avec des technologies qui ne pourront se substituer à elle qu'au fur et à mesure de leur maturation. Il serait hasardeux de remettre brutalement en cause une filière qui constitue l'un de nos fleurons industriels, qui assure 410.000 emplois directs et indirects, qui contribue à la compétitivité de notre territoire et qui accroît le dynamisme de nos exportations.

Une décision d'arrêt, total ou partiel, de l'activité nucléaire risquerait de déstabiliser l'organisation mise en place en France et de remettre en cause une expertise aujourd'hui reconnue au plan international.

La dynamique de sûreté ne peut s'envisager que dans le cadre d'une recherche permanente de perfectionnement. Paradoxalement, l'annonce d'une sortie de l'énergie nucléaire pourrait contribuer à accroître les risques en donnant un coup d'arrêt à cette dynamique, par son effet tant sur les investissements physiques que sur le savoir-faire acquis et transmis par le personnel. Qui souhaiterait investir ou s'engager dans une filière sans avenir ? Plus généralement, une démobilisation des chercheurs et des industriels entraînerait un recul de la position concurrentielle de la France dans cette industrie de pointe, avec des effets immédiats sur l'attrait de l'EPR, pourtant en cours de développement dans plusieurs pays.

Par ailleurs, l'organisation de la gestion des matières et des déchets radioactifs, mise en place par les lois de 1991 et de 2006, serait mise en cause par une décision d'arrêt des centrales nucléaires. Les capacités des centres existants seraient insuffisantes pour gérer l'accroissement important du volume des déchets qu'entraînerait, d'une part, une accélération des démantèlements de centrales, et, d'autre part, un abandon du retraitement. À ces difficultés s'ajouterait celle du déclassement en déchets de quantités élevées de matières valorisables, telles que l'uranium appauvri ou le plutonium. Ces dernières sont actuellement considérées comme réutilisables, soit sous forme de combustible MOX pour les réacteurs de deuxième ou de troisième génération, soit, à l'avenir, comme combustibles pour les réacteurs de quatrième génération.

S'agissant justement des réacteurs de quatrième génération, la France dispose d'atouts dus à son effort de recherche et parce qu'elle accumule aujourd'hui des stocks de matières valorisables susceptibles de lui assurer plusieurs millénaires d'indépendance énergétique.

Nous disposons d'un avantage concurrentiel en participant à plusieurs programmes internationaux de recherche dans le cadre du Forum « Génération IV ». La France développe son propre projet de réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium, le réacteur ASTRID, destiné à prouver la faisabilité industrielle de ce type de réacteur. Il serait très dommageable d'abandonner une voie qui nous permet d'exploiter pleinement nos atouts spécifiques.

Nous ne possédons pas, à l'égal de l'Allemagne, de réserves de lignite pour 350 ans. En revanche nous disposons d'un stock de matières valorisables, c'est-à-dire d'uranium appauvri et de plutonium, d'environ 300 tonnes à ce jour pour ce dernier. Les calculs qui nous ont été présentés montrent que nous aurons juste ce qu'il faut de plutonium, produit par les réacteurs de deuxième et de troisième génération, pour alimenter le premier chargement des réacteurs « rapides », étant entendu que ces réacteurs ne consomment plus ensuite de plutonium puisque celui-ci est régénéré.

Les auditions que nous avons réalisées tendent à montrer qu'ASTRID sera bien un réacteur de type nouveau, y compris en matière de sûreté. Des recherches sont en cours pour configurer son coeur, en sorte d'éviter tout risque de fonte. Il faut souligner que, par comparaison avec un réacteur à eau, le temps d'intervention sur ce type de réacteur est considérable du fait de l'inertie de la capacité thermique du sodium. En outre, son circuit de refroidissement sera conçu pour minimiser le risque de réaction provoquée par le contact de l'eau et du sodium.

Les recherches devraient apporter aux réacteurs de quatrième génération un niveau de sûreté au moins équivalent, sinon supérieur, à celui des réacteurs de troisième génération, ce qui constitue évidemment la condition sine qua non de leur développement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion