Intervention de Didier Guillaume

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 15 décembre 2011 : 1ère réunion
La sécurité nucléaire la place de la filière et son avenir — Examen des conclusions du rapport

Photo de Didier GuillaumeDidier Guillaume, sénateur :

Permettez-moi de dire que je me retrouve totalement dans les propos des rapporteurs, en particulier dans le scénario privilégié par Christian Bataille, et que j'ai pris beaucoup de plaisir à contribuer à ce travail, même si je n'ai pas pu y participer autant que je l'aurais souhaité. Au moment où l'on critique le Parlement, et la politique en général, il est bon de pouvoir conduire ce genre de réflexion à l'abri de l'agitation médiatique quotidienne. C'est tout l'intérêt de cet Office.

Dans le cadre de la campagne présidentielle, les partis politiques auront à débattre d'une stratégie énergétique d'ensemble, mais notre mission ne portait que sur l'avenir de la filière nucléaire qui nous importe particulièrement, dans le contexte post-Fukushima.

Il y a encore deux ou trois ans, la priorité pour nos concitoyens était à la lutte contre le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre, et au succès de la conférence de Copenhague ; une grande partie d'entre eux pensaient que l'énergie nucléaire était la solution et, à mon avis, ils avaient raison. Depuis l'accident de Fukushima, nombreux sont les doutes et les interrogations. Il ne faut pas sous-estimer le fait que certains pensent qu'on leur ment ou qu'on leur cache certaines choses, et qu'il existe en réalité un risque important d'incident ou d'accident nucléaire. Je précise que c'est un élu de la Drôme qui parle, département où sont implantées la centrale du Tricastin et l'usine franco-belge de fabrication de combustibles (FBFC), département qui est également voisin de la centrale de Cruas, située au bord du Rhône, dans l'Ardèche. Je connais donc les problèmes d'acceptabilité du nucléaire !

Je pense qu'il faudrait évoquer dans le rapport certains faits d'actualité. L'EPR est ainsi une belle technologie, mais ce qui se passe en Finlande fait question. Serons-nous véritablement à même de construire des EPR ?

En France, il y a dix jours, des militants ont réussi à s'introduire dans plusieurs centrales. Ils ont certes enfreint la loi, mais que se serait-il passé s'il s'était agi de personnes malveillantes ? Cela doit nous conduire à réfléchir.

Envisager l'avenir de la filière nucléaire implique non seulement d'étudier les aspects stratégiques, mais aussi de mettre les industriels en garde : qu'ils ne scient pas la branche sur laquelle ils sont assis. Je préside la plus importante commission locale d'information (CLI) de France, et j'aime à rappeler le triptyque de l'excellence industrielle, de la sécurité maximale et de la transparence totale. Il ne faut pas sous-estimer ces deux derniers volets. Même si tout ne peut être dit, nous devons aller plus loin dans certains domaines et, pour ce faire, il semble que nous ayons besoin d'une seconde loi « TSN », sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire.

La crédibilité de notre démarche passe d'abord par la limitation de la consommation, notamment dans les bâtiments. C'est très important. Les collectivités locales se sont engagées depuis longtemps dans cette voie, et j'estime que le futur gouvernement, quel qu'il soit, devra en faire sa priorité. Si la R&D est cruciale, il faut aussi arrêter de gaspiller quotidiennement de l'énergie ; et si nous voulons associer l'ensemble des Français à cet effort, il faut arrêter la fuite en avant, donner la priorité aux économies d'énergie et refuser tout manichéisme - c'est d'ailleurs pourquoi j'ai tant apprécié l'exposé des rapporteurs. Il ne s'agit pas d'opposer un modèle à un autre, mais de savoir comment la filière nucléaire peut se développer dans le cadre du modèle sociétal que nous souhaitons élaborer, et qui comprend aussi la limitation de la consommation d'énergie, la transition énergétique, le développement des énergies renouvelables et la recherche sur le stockage et l'hydrogène.

N'oublions pas que le sujet est à la fois complexe et passionnel ; une seule phrase prononcée à la télévision peut suffire à tout ruiner. Ce qui honore le Parlement, c'est d'organiser des débats et de produire les rapports les plus objectifs possibles, dans le respect de la sensibilité de chacun. Je fais partie de ceux qui pensent que la sortie du nucléaire est impossible, mais attention à ne pas tomber dans une posture qui nuirait à la crédibilité de notre démarche. L'objectif est de répondre aux besoins à long terme de notre pays, qui continuera à se développer et qui, de ce fait, aura besoin de toujours plus d'énergie, même si on l'économise.

Enfin, un raisonnement en termes de coût est indispensable. Force est de constater que beaucoup de nos concitoyens sont actuellement dans la difficulté, voire dans la misère, et que le prix de l'énergie est un problème. Les plus pauvres d'entre eux sont aussi ceux qui vivent dans les logements les plus mal isolés. Pour eux, c'est la double peine : ils paient davantage, parce qu'ils n'ont pas les moyens de faire autrement. Il faut donc que l'énergie soit la moins chère possible. En France, son prix est certes moins élevé que dans le reste de l'Europe, en moyenne, mais cela ne doit pas être une raison pour augmenter les tarifs : l'objectif n'est pas de rattraper les autres ! Sur ce point aussi, l'excellent rapport de Christian Bataille et Bruno Sido apporte des réponses. Qu'ils en soient félicités.

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