Intervention de Claude Gatignol

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 15 décembre 2011 : 1ère réunion
La sécurité nucléaire la place de la filière et son avenir — Examen des conclusions du rapport

Claude Gatignol, député :

Ce rapport est parfaitement d'actualité. Il répond à une question majeure, celle de l'avenir de la filière nucléaire en France, en étudiant les possibles conséquences de différentes décisions politiques. On note que le choix de chaque pays a été dicté par des considérations liées à son histoire et à ses compétences scientifiques et technologiques : au-delà des effets de mode, il y a les réalités de terrain. Je sais gré aux rapporteurs d'avoir souligné la place essentielle de l'énergie dans nos sociétés, tant pour l'activité industrielle que pour la vie domestique.

En revanche, je ne suis pas d'accord avec eux quand ils déclarent partager les options du scénario « négaWatt » - sauf en ce qui concerne les économies à réaliser en matière de consommation d'énergie dans les bâtiments. Si je suis favorable au non-gaspillage, à la bonne maîtrise et à la bonne gestion, ce scénario s'appuie en effet sur l'hypothèse d'une régression économique et d'une diminution de la consommation, laquelle ne me semble pas acceptable.

Il est certain qu'après l'émotion suscitée par l'accident de Fukushima, nous nous trouvons à un tournant. Je suis satisfait que les rapporteurs aient rappelé que l'accident nucléaire n'avait, à ce jour, provoqué aucun mort - les dizaines de milliers de décès étant dus au séisme. Le problème se résume - comme toujours, hélas ! - à un amalgame de l'affaire médiatique et des désordres technologiques. De ce point de vue, il convient de bien distinguer les différents types de réacteurs. Ceux de Fukushima sont des réacteurs à eau bouillante, de conception General Electric, alors que les 58 réacteurs français font appel à la technologie à eau pressurisée, utilisée à Three Mile Island - centrale qui a résisté à la surpression et où il n'y a pas eu d'émission de produits radioactifs.

Le niveau d'émission de CO2 reste le principal enjeu. Or la comparaison des tonnages de CO2 émis par habitant et par point de PIB place la France largement en tête, à l'exclusion des pays qui utilisent quasi-exclusivement l'hydraulique.

Parmi les possibilités de développer le nucléaire en France, il y a la construction d'EPR. La Normandie bénéficie de la construction de la tête de série. La région produit déjà 20 % de l'électricité nucléaire française, grâce aux réacteurs de Paluel, de Penly et de Flamanville ; le traitement des combustibles usés à La Hague nous permet de développer la notion de tri, de recyclage et de maîtrise des déchets. À Caen a été implanté un pôle radiomédical ô combien important, puisque la première caméra à positons, « Cyceron », y a été créée ; un centre de recherche en hadronthérapie est par ailleurs en projet.

À l'avenir, nous aurons besoin de toujours plus de kilowattheures : toutes les analyses montrent qu'il n'y aura pas une régression, mais, au contraire, un accroissement de la consommation d'électricité. J'ai présenté deux rapports sur l'automobile pour l'OPECST ; à cette occasion, j'ai calculé que, pour assurer le bon fonctionnement d'un parc de plus d'un million de voitures hybrides rechargeables - le véhicule électrique qui a le plus d'avenir -, il faudrait disposer d'une puissance équivalente à celle d'un réacteur nucléaire. Or, si l'on en croit ce qui a été dit hier, dans 20 ou 30 ans, le parc automobile sera composé à 20 % de véhicules de ce type !

De ce fait, il convient de renforcer aussi notre réseau de transport d'électricité, et je rejoins Marcel Deneux quand il dit ne pas comprendre que l'on se heurte à tant d'obstacles administratifs. Je dois pour ma part réaliser 160 kilomètres de ligne à très haute tension, et c'est un véritable parcours du combattant !

À côté de l'énorme centrale qu'est l'EPR - d'une puissance de 1.700 MW, soit une production de 15 milliards de kilowattheures par an, et dont la construction nécessitera 120.000 tonnes d'acier, soit l'équivalent de 20 Tour Eiffel, et 400.000 tonnes de béton ! -, nous devrions disposer de l'ATMEA, réacteur d'une puissance de 1.000 MW plutôt destiné à l'exportation, ainsi que de Flexblue, la centrale sous-marine mise au point par DCNS, qui est dérivée des réacteurs très compacts et dont la puissance sera d'environ 200 ou 300 MW. Cela pourrait être l'occasion de faire bénéficier de la technologie nucléaire des pays qui ne peuvent pas compter sur des compétences comparables à celles du CEA ou de l'IRSN.

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