Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec le bail cessible, nous abordons le deuxième volet important de ce projet de loi. Le premier concernait le fonds agricole, à propos duquel demeurent un certain nombre d'imprécisions. Ces deux volets fondamentaux ont orienté la rédaction de ce projet de loi.
Aujourd'hui, l'agriculture française est dans une situation difficile, délicate. Son positionnement à l'échelon européen n'est pas encore bien défini. Je n'en veux pour preuve que l'échec du sommet qui s'est tenu la semaine dernière. Or nous avons besoin d'une lecture claire de la politique agricole française pour mener un véritable combat au niveau européen.
Quelles réponses apporte le Gouvernement à nos préoccupations ? D'abord un fonds agricole optionnel est instauré si bien que, demain, certains agriculteurs créeront un tel fonds alors que d'autres n'auront pas retenu cette faculté.
Ensuite, deuxième disposition fondamentale, on nous propose un bail cessible, également optionnel. De ce fait, ceux qui auront la chance de pouvoir négocier avec un bailleur un bail cessible pourront bénéficier des dispositions prévues par ce projet de loi en la matière. Quid des autres, plus démunis, qui n'auront pas cette faculté de négociation ?
En fait, il ne faudra pas attendre longtemps pour que, dans notre pays, chacun fasse comme il veut, comme il peut, en fonction de la situation dans laquelle il se trouvera et des relations qu'il entretiendra avec tel ou tel. Voilà le risque qu'une telle mécanique recèle.
Quelle lecture pourrons-nous faire de la politique agricole française dans ces conditions ? Comment aborder les engagements de la France en direction du monde agricole ?
Dans cet imbroglio supplémentaire, comment trouver une ligne de conduite qui permettra à la France de mieux se défendre à l'extérieur ?
En fait, l'article 2 du projet de loi, qui vise à instaurer le bail cessible auquel on peut trouver, certes, quelques vertus - il rendrait notamment, dans certains cas, l'installation plus facile -, laisse un sentiment d'amertume. Les contacts que nous avons pu avoir avec les uns et les autres montrent que des insatisfactions commencent d'ailleurs à apparaître. Ainsi, les preneurs risquent de subir une hausse de loyer de 50 %, ce qui n'est pas négligeable. Va-t-on réellement faciliter l'installation des jeunes en adoptant une telle mesure ?
Les bailleurs sont également inquiets de savoir que, demain, ils n'auront pas leur mot à dire par rapport à ceux qui, éventuellement, pourraient être installés chez eux.
Nous avons largement ressenti ces doutes et ces insatisfactions. N'aurait-on pas pu essayer d'innover pour trouver de nouvelles formes de relations entre le bailleur et le preneur ?
La mécanique optionnelle qui nous est proposée laisse une grande marge de manoeuvre, et dans tous les sens. Les membres du groupe socialiste estiment, face à cette orientation très libérale, qu'un organisme de régulation doit intervenir pour contrôler les fonds, les DPU, la gestion de ces baux. A défaut, comment pourrons-nous demain tenter de réguler notre propre politique agricole sur le territoire national ?
Les amendements qu'ont déposés les membres du groupe socialiste sur cet article 2 visent à tenter de recadrer un certain nombre de dispositifs, de manière qu'il soit proposé aux agriculteurs de suivre une ligne la plus droite possible.