Intervention de Philippe Adnot

Réunion du 3 novembre 2005 à 9h30
Loi d'orientation agricole — Article 2

Photo de Philippe AdnotPhilippe Adnot :

Les articles 1er et 2 ne soulevaient, pour moi, aucun problème. Mais certains propos tenus tout à l'heure m'inquiètent.

M. le rapporteur et M. le ministre ont indiqué que les DPU feraient partie du bail cessible. Cette précision, qui ne figurait pas à l'origine dans le projet de loi mais qui a été introduite au cours du débat, aura force de loi si le projet de loi est adopté.

Mes chers collègues, si vous acceptez cette disposition, c'en est fini du fermage, des propriétaires et de l'organisation actuelle de l'agriculture.

Je suis favorable au fonds agricole et au bail cessible, et ce, en faisant, moi aussi, appel aux « grands anciens ». J'ai quelque connaissance de toutes les batailles qui ont été menées pour transformer les métayers en fermiers. Mon beau-père, Pierre Labonde, qui a siégé dans cette enceinte, a été président des fermiers et métayers de France pendant un certain nombre d'années au cours desquelles ont été menés des combats extrêmement importants.

Aujourd'hui, la faculté accordée à titre optionnel de souscrire un bail cessible ne fait que consacrer ce qui existe déjà : même dans le cadre actuel du statut du fermage ordinaire, rien n'interdit au preneur d'acquitter un loyer supérieur s'il s'est mis d'accord avec son propriétaire aux termes d'un contrat particulier. Une augmentation du prix du fermage de 50 % est donc déjà possible.

Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur les DPU. A l'heure actuelle, un exploitant peut ne pas bénéficier de droits à paiement unique qui concernent la totalité des hectares qu'il cultive. Par exemple, dans la période de référence, il peut, sur une partie de sa ferme, produire des pommes de terre qui ne portent pas de droits. Mais il peut avoir plusieurs propriétaires. Dans le cas d'une cession, il pourra complètement « déshabiller » un propriétaire, le dépouiller des droits à produire.

Un propriétaire peut se retrouver avec des terres sans droits à produire, ce qui fait perdre la moitié de la valeur des terrains. Si vous ne maintenez pas un lien entre les DPU et les terrains, c'en est fini des fermiers parce que, dans de telles conditions, les propriétaires ne mettront plus leurs terres en fermage.

Oui, monsieur le ministre, dans le cadre du bail cessible, un propriétaire peut se trouver complètement dépouillé, uniquement pour un gain de trois quintaux !

Vous faites prendre des risques impensables à l'organisation de l'agriculture en coupant le lien entre le sol et les droits à produire. Il vaudrait mieux renoncer, monsieur le ministre.

Je n'avais pas prévu d'intervenir sur l'article 1er parce que cette disposition ne figurait pas dans ce texte à l'origine ; le débat en a décidé autrement. Je vous demande de revenir sur ce point, faute de quoi, si vous ajoutez de surcroît le bail cessible, c'en est fini de l'organisation actuelle de l'agriculture. En voulez-vous un exemple ? Prenez celui de la pomme de terre : dès demain, c'est toute la production qui peut être arrêtée !

Certes, les propriétaires bénéficieront en contrepartie d'une petite augmentation, mais ils peuvent, demain, se retrouver sans droits à produire sur leurs propres sols.

Dans ce cas-là, que vont faire les exploitants ? Il faut qu'ils retrouvent des droits à produire.

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