Intervention de Xavier Patier

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 29 février 2012 : 1ère réunion
Diversité et accès aux études supérieures — Audition de M. Xavier Patier directeur de l'information légale et administrative dila des services du premier ministre

Xavier Patier, directeur de l'information légale et administrative (DILA) des services du Premier Ministre :

Je n'ai pas de légitimité pour parler des épreuves d'admission à Sciences Po. La Documentation française fait de la formation en ligne dans le cadre d'un partenariat avec Sciences Po pour la préparation à l'examen d'entrée. Il s'agit de permettre à tous d'accéder à l'excellence. Notre formation est peu coûteuse et concerne 75 % de non-franciliens ainsi que des boursiers qui bénéficient de la gratuité. La philosophie implicite était l'accès de tous aux outils de la culture générale.

J'ai réagi dans une tribune parue dans un quotidien, ayant appris par la presse que Sciences Po Paris renonçait à l'épreuve de culture générale pour des raisons dont celles mises en avant me paraissaient très critiquables. A travers la presse, il a été avancé que l'épreuve de culture générale était discriminante socialement, qu'elle ne permettait pas de juger la vraie valeur des candidats, qu'il fallait se déterminer sur leur personnalité... Il m'a semblé que cette critique était celle du modèle républicain de l'éducation tel que la Documentation française essaye de le défendre. Je me suis ainsi permis de dire : « s'il n'y a plus que dans les beaux quartiers que l'on est capable d'écrire, alors supprimons l'écriture ! ». S'il s'agit de faire de la discrimination positive, disons-le.

Il est ainsi proposé de remplacer cette épreuve par un dossier et un oral de langue vivante. Etrange ! Autant la culture générale ne demande pas un investissement financier - même si certains milieux la favorisent plus que d'autres - autant le séjour linguistique nécessite de l'argent.

Il y a l'idée aussi que la vraie valeur d'un candidat ne pouvait pas être jugée sur un écrit et qu'il fallait choisir une personnalité. Cela peut paraître séduisant. Un de mes anciens professeurs à Sciences Po me disait qu'il ne se permettrait pas de juger une personne mais qu'il avait un avis sur la copie. Ce professeur représentait ce que peut être un principe républicain d'égalité. L'enseignant n'a pas à avoir une opinion sur la personnalité de l'élève, à charge pour le système de permettre à tous de rédiger la bonne copie.

Selon moi, affirmer que la culture générale ne sert à rien relève d'un effet de mode. Derrière la condamnation de l'idée de culture générale, se dessine celle de quelque chose d'un peu trop français ou pas assez américain dans le système. La culture générale, c'est français, donc suspect. Ces propos m'ont été reprochés. Ce qui permet d'avoir un débat sur la culture générale, c'est précisément la culture générale elle-même. En privant les étudiants de ce type d'entraînement, on les prive d'une certaine autonomie de jugement.

Je me permets de citer la brochure du concours d'accès à Sciences Po selon l'ancienne formule. L'épreuve de culture générale devait permettre au candidat « d'affirmer sa liberté de jugement : une liberté informée et instruite, consciente de ses raisons, capable d'exprimer non pas une simple opinion, mais un véritable jugement ». Voilà ce à quoi Sciences Po renonce.

Ensuite, Sciences Po s'est expliqué et a précisé les difficultés rencontrées dans l'organisation du concours d'entrée. Ce qui m'a gêné c'est que la réforme n'a pas été présentée ainsi. Elle l'a été comme un acte militant et péremptoire : on renonce à la culture générale parce que c'est mauvais. Cela a été aggravé par le fait qu'en même temps la terminale S abandonnait le programme d'histoire et que les concours B et C de la fonction publique renonçaient à l'épreuve de culture générale. On menace périodiquement d'autres concours d'être débarrassés de cette épreuve au profit de QCM et bientôt de discrimination positive. Cela me paraissait une capitulation. Ayant en charge la Documentation française, création de la Libération, je me sentais un devoir en tant que citoyen et garant de cette institution de le dire. Suite à la parution de cette tribune, j'ai reçu au moins une quarantaine de courriers, tous favorables, notamment d'anciens élèves de Sciences Po. On ne trouvera plus rue Saint-Guillaume les candidats timides et mal fagotés, mais qui étaient bons à l'écrit et qui attendrissaient le jury à l'oral ! A Sciences Po, le temps n'est plus à l'attendrissement. Venant de ma campagne, je sais très bien que M. Descoings n'aurait pas voulu de moi. Ce n'est pas avec ma culture générale apprise dans des livres que j'aurais pu le convaincre, mes parents n'ayant pas pu m'offrir un séjour en Angleterre. Cette discrimination positive consistant à se dire « nous allons choisir nos pauvres » me paraissait interpeller ce que nous aimons dans le modèle républicain.

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