Intervention de Gilles Carrez

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 6 mars 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Gilles Carrez président du comité des finances locales

Gilles Carrez, président du Comité des finances locales :

Il est vrai que l'actualité des finances locales comprend plusieurs sujets, et des sujets urgents dont je souhaiterais qu'ils fassent l'objet de discussions lors de la prochaine réunion du Comité des finances locales, prévue pour le 13 mars.

Le premier d'entre eux est celui du besoin de financement des collectivités territoriales pour 2012. Il est évalué entre 17 et 18 milliards d'euros. Peut-être avez-vous vu ou entendu parler d'un autre chiffre, de 22 milliards ? Ce second chiffre intègre en fait d'autres besoins de financement, à savoir ceux des hôpitaux et ceux des sociétés d'économie mixte (SEM). Si l'on se limite aux collectivités locales stricto sensu, autrement dit aux communes, intercommunalités, départements et régions, le montant à retenir est de près de 18 milliards.

J'insiste, car il est essentiel d'avoir bien cela à l'esprit : ce chiffre correspond à un besoin de financement. Il ne s'agit pas d'un déficit. Ce besoin de financement est stable et il n'y a pas de problème d'endettement des collectivités locales : leur stock de dettes est, lui aussi, stable, et représente environ 8 à 10 % de l'ensemble de l'endettement public.

Jusqu'à présent, pour couvrir ce besoin de financement, appel était fait aux banques, et notamment à DEXIA, et la couverture était assurée sans difficulté. Les quelques tensions de la fin de l'année 2011 ont été très vite réglées, par la mise en place d'une enveloppe de 5 milliards d'euros : 3 milliards dans un premier temps, répartis entre le réseau bancaire et la Caisse des dépôts, qui en ont assuré chacun la moitié ; puis, 2 milliards, en majorité pris en charge par la Caisse des dépôts. Sur cette enveloppe de 5 milliards, qui a permis d'assurer les besoins restant à couvrir fin 2011, il reste encore quelques crédits, évalués à un peu moins d'un milliard au milieu du mois de février. On peut considérer que cette somme, comprise entre 800 et 900 millions, relève du besoin de financement de l'année 2012.

Bercy estime que les banques mobiliseront environ 11 milliards d'euros. Pour moi, c'est sans doute le maximum de ce qu'elles pourront effectivement apporter. D'abord, parce que le financement des collectivités locales est un financement long, qui demande une grande consommation de fonds propres au sens de la nouvelle règlementation internationale dite de « Bâle III » ; c'est une considération importante, une contrainte pour les banques au moment où on leur demande, précisément, d'augmenter leurs fonds propres. Ensuite, les établissements de crédits ne trouvent pas la même compensation que celle que leur apportent les prêts aux entreprises, lesquelles déposent leur trésorerie auprès des banques ou utilisent les fonds prêtés pour des opérations, par exemple pour des fusions, qui contribuent à développer le chiffre d'affaires des banques ; il n'en va pas ainsi en cas de prêt à des collectivités locales, ce dont il faut avoir conscience. Enfin, après l'affaire des emprunts toxiques, les banques redoutent des poursuites en justice de la part des collectivités.

Ces considérations m'ont conduit à relativiser l'optimisme que traduisaient les prévisions initiales de Bercy, qui tablaient sur une participation des banques à hauteur de 14 milliards. Les calculs ont donc été revus à la baisse pour parvenir à ce chiffre de 11 milliards qui me paraît, je le répète, constituer le maximum de ce que nous pouvons espérer.

Ces 11 milliards des banques plus le petit milliard de reliquat de 2011 que j'évoquais tout à l'heure, cela fait environ 12 milliards, alors que les besoins sont de 18, sans parler des hôpitaux et des SEM.

D'où la question : comment couvrir le solde ? Deux possibilités s'offrent à nous. La première, dont j'estime qu'il est indispensable de la mettre en place immédiatement, consiste en une nouvelle opération, comme celle réalisée à la fin de l'année 2011, avec la Caisse des dépôts. Celle-ci est prête à mobiliser, d'ici la fin du mois de juin, 5 milliards d'euros ; le Gouvernement était plutôt dans l'optique de se limiter à 2 milliards mais, lors de la récente réunion à l'Élysée sur les finances locales, à laquelle participaient les présidents des associations d'élus, nous avons convaincu le Président de la République d'aller jusqu'à 5 milliards.

La seconde source de financement, c'est celle qui peut provenir de ce que l'on pourrait appeler « DEXIA nouvelle formule », c'est-à-dire le résultat de la « joint venture » entre la Banque postale et la Caisse des dépôts, qui détiendraient respectivement 65 et 35 % de cette nouvelle entité. Celle-ci commercialiserait les nouveaux prêts et serait opérationnelle à partir de juillet. Mais, pour commercialiser des prêts, il lui faut pouvoir se refinancer. C'est là qu'intervient une structure dite DEXMA (DEXIA Municipal Agency) qui aurait vocation, à la fois, à reprendre le stock de dettes de DEXIA et à assurer, en s'adressant aux marchés financiers, le refinancement des prêts que la co-entreprise Banque postale - Caisse des dépôts consentirait aux collectivités.

Avec la dégradation constatée du stock des dettes de DEXIA (environ 80 milliards d'euros pour la part française de la dette), la Caisse des dépôts s'est montrée réticente face à la perspective, envisagée à l'origine, de détenir près des deux tiers du capital de DEXMA. L'état du projet prévoit donc, à l'heure où nous parlons, le montage suivant : la Caisse des dépôts et l'État se porteraient chacun acquéreur de DEXMA à hauteur de 31,5 %, le solde revenant à l'ex DEXIA Crédit local. C'est donc un dossier qui a été substantiellement modifié par rapport au projet d'origine, avec une diminution importante de la participation de la Caisse des dépôts et l'entrée dans le jeu de l'État.

Cette nouvelle structure pourrait être opérationnelle en juillet, mais il n'est pas certain que pourra être tenu l'objectif initial, à savoir qu'elle prête 3 à 5 milliards aux collectivités dès l'année 2012. Cette incertitude renforce - et c'est ce que nous avons plaidé devant le Président de la République - la nécessité absolue de s'appuyer dans l'immédiat sur la première source de financement que j'ai évoquée, à savoir la Caisse des dépôts, et de ne pas en rester sur ce point aux 2 milliards évoqués par Bercy. Par chance, l'encours des livrets A a beaucoup augmenté, ce qui permet de dégager des marges de manoeuvre.

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