Intervention de Dominique Baudis

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 4 avril 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Dominique Baudis défenseur des droits

Dominique Baudis, Défenseur des Droits :

Je vous remercie de votre invitation.

Le Défenseur des Droits est une institution nouvelle, créée par la loi organique de mars 2011 à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

Mon premier souci a été de sauvegarder la spécificité des quatre missions explicitement confiées : médiation avec les services publics, défense des enfants, déontologie de la sécurité, lutte contre les discriminations et sauvegarde de l'égalité. Pour occuper les fonctions d'adjoints, j'ai choisi trois femmes de terrain, ayant une bonne expérience des sujets. Leurs compétences sont définies par la loi organique. La spécificité des missions se traduit aussi par l'existence de collèges également créés par la loi organique.

Les agents qui travaillaient dans les quatre institutions sont restés, sauf ceux qui sont partis à la retraite, mais il n'y a pas eu de perte de mémoire ou d'expérience. Le Défenseur des Droits reprend à la fois les dossiers, les agents et les budgets des quatre structures, à quelques ajustements près qui touchent toutes les administrations et autorités administratives indépendantes.

Sauvegarder c'est bien, mais il fallait aussi valoriser le potentiel de synergie issu du rapprochement. A titre d'exemple, le Médiateur de la République avait un pôle « Santé et sécurité des soins », auquel les trois autres autorités administratives indépendantes n'avaient pas accès alors que ç'aurait été utile. Cette cloison a été abattue par la fusion. Autre exemple : le Défenseur des enfants, quand il recevait un dossier de médiation avec les services publics, le transmettait au Médiateur de la République, au terme d'un circuit qui faisait perdre au moins un mois et demi. Du fait de la fusion des autorités, ces délais n'existent plus.

Lors de ma prise de fonctions, j'ai trouvé trois réseaux territoriaux : celui des délégués territoriaux du Médiateur, environ 300 personnes, celui des correspondants de la Halde, environ 100 personnes, et celui de la Défenseure des enfants, environ 30 personnes - qui n'était donc présente que dans un petit tiers des départements. J'ai regroupé les trois réseaux ; cela fait 430 personnes, qui reçoivent le public dans 650 points d'accueil en métropole et outre-mer. Pour certains secteurs, le réseau a donc été considérablement augmenté. Il se compose de bénévoles, tout juste défrayés à 350 euros par mois. Pour la plupart, ce sont de jeunes retraités de la fonction publique ayant eu des responsabilités élevées. Ils ont des échanges directs, personnels avec les citoyens, au-delà des courriers et courriels.

Au cours de ces dix mois d'exercice, j'ai veillé à mettre en oeuvre les moyens nouveaux donnés par le législateur pour mieux faire respecter les droits.

Je prendrai pour exemple celui, récurrent, des procès-verbaux que l'on continue de recevoir pour un véhicule dont on n'est plus propriétaire. Cela représente tout de même une dizaine de dossiers par jour ! Un homme a même engagé une grève de la faim : il en était à une cinquantaine de PV ! Pour lui, c'était sans fin : avec les moyens du Médiateur, il fallait annuler PV par PV. J'ai adressé une injonction à la ministre du budget et au garde des sceaux afin de mettre fin à toute poursuite à l'encontre de cette personne, au titre de ce véhicule qui n'était plus le sien depuis quatre ans. Sous 48 heures, les deux m'ont répondu avoir donné les instructions nécessaires.

J'ai également utilisé la capacité de procéder à des vérifications sur pièces et sur place. Suite à l'arrêt Popov c. France rendu au mois de janvier par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), qui a condamné la France pour la rétention de mineurs, j'ai demandé à ce que chaque fois que la présence de mineurs dans un centre de rétention administrative nous est signalée par des associations, nous nous rendions sur place pour le vérifier. Nous nous sommes rendus dans une dizaine de centres, où nous avons constaté la présence d'enfants, parfois de nouveau-nés. À chaque fois, une solution d'hébergement d'urgence a été trouvée pour ces enfants. C'est une véritable avancée ; Mmes Versini et Brisset ayant regretté de n'avoir pas eu, en qualité de défenseure des enfants, ce pouvoir de vérification sur place.

S'agissant de la CEDH, je suis allé à Strasbourg il y a dix jours pour rencontrer le nouveau président britannique et le juge français. Et nos trois collèges ont entendu M. Costa sur l'articulation complexe entre notre droit interne et les décisions de la CEDH. Je serai donc très intéressé par votre échange avec M. Costa tout à l'heure.

Nous avons trois modes d'interventions. D'abord, le traitement des réclamations - elles sont de l'ordre de 100 000 chaque année. La création du défenseur des droits s'est traduite par une simplification pour le réclamant. Par exemple, une famille dont le fils handicapé ne peut être inscrit dans un établissement d'enseignement pouvait relever du Médiateur, de la Défenseure des enfants et/ou de la Halde. Au lieu de devoir frapper aux trois portes, elle s'adresse désormais à une autorité unique.

La promotion des droits et de l'égalité, la diffusion des bonnes pratiques, sont un autre de nos modes d'intervention. La semaine prochaine, nous publierons un guide pratique pour la mesure de la diversité, en collaboration avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), pour sortir du dilemme des chefs d'entreprise, à qui l'on demande d'introduire de la diversité mais en en prohibant la mesure. Ils peuvent désormais mesurer la diversité, dans le cadre de règles validées par la Cnil.

Enfin, nous proposons des réformes. L'une d'entre elles a fait l'objet d'un texte adopté par l'Assemblée nationale, harmonisant les délais de prescription en matière de provocation à la discrimination. Cette proposition de loi a été transmise au Sénat. Lors de la journée mondiale de lutte contre le sida, j'ai demandé qu'on cesse d'écarter systématiquement les homosexuels hommes du don du sang. Ce n'est pas l'orientation sexuelle mais le type de comportement qui compte. Cette règle, mise en place dans les années 80 dans l'ignorance du mode de contamination, devrait être supprimée. Ce n'est pas l'orientation sexuelle mais le type de comportement qui compte.

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