Je suis moins pessimiste que vous. En treize ans, j'ai vu des évolutions favorables, tant dans les veilles démocraties, comme notre pays, que pour les pays dits en transition.
Les réticences françaises à la jurisprudence de la CEDH ont beaucoup reculé. J'en rends hommage aux avocats et aux juridictions de notre pays. Ainsi, depuis trente ans, on débattait de vieilles discriminations datant du code civil, à l'encontre des enfants dits adultérins. L'arrêt Mazurek c. France, en l'an 2000, a dit que ces dispositions discriminatoires devaient être écartées au profit de celles de la Convention européenne des droits de l'Homme. Quelques mois plus tard, dans une affaire similaire, le tribunal de grande instance de Montpellier a écarté les dispositions de droit civil comme contraires à la Convention. Avant même que le législateur ne modifie ces dispositions, les tribunaux ont joué le jeu sans susciter l'opposition de la hiérarchie judiciaire. La modification législative n'est intervenue qu'ensuite.
En Turquie, la législation et la Constitution prévoient une composition des cours de sûreté de l'État contraire à la Convention européenne. Les arrêts de la Cour ont entraîné une modification constitutionnelle.
Le Conseil de l'Europe dispose d'une arme « nucléaire », trop puissante pour être souvent utilisée : l'exclusion, comme celle de la Grèce des colonels. La Russie, devant les événements en Tchétchénie, n'a cependant pas été exclue comme certains le réclamaient. La Hongrie prend depuis deux ans des décisions incompatibles avec les valeurs du Conseil de l'Europe, mais rien ne se passe...
Les Cours de Strasbourg et de Luxembourg se réunissent régulièrement et s'efforcent d'harmoniser leurs jurisprudences. Aux termes du traité de Lisbonne entré en vigueur le 14 décembre 2009, l'Union européenne a, en tant que telle, adhéré à la Convention. Pour rendre cette adhésion effective, il fallait l'accord des 47 membres, ce qui a été acquis avec le protocole 14. Comment l'Assemblée parlementaire va-t-elle élire le juge pour l'Union européenne ? Nous verrons. La crise de l'euro a mis au second plan cette question juridique. Dommage, car l'harmonisation est une bonne chose et il faut poursuivre la dynamique lancée.
La CEDH a réalisé de grandes choses, elle a fait progresser les droits et libertés dans de nombreux pays. Renforçons son efficacité sans diminuer son rôle ! (Applaudissements)