La révision de la directive MIF partait de bonnes intentions : protéger les investisseurs, réguler les transactions de gré à gré, promouvoir la transparence, limiter le trading haute fréquence, créer un système d'équivalence et de reconnaissance mutuelle des prestataires de services d'investissement et des plateformes de négociation avec les pays tiers, et, enfin, classer les OPCVM selon leur degré de complexité. La première version de la directive créait des systèmes multilatéraux de négociation (SMN), afin d'attirer vers ces plateformes de négociation les transactions de gré à gré qui n'étaient pas régulées. Mais ce fut un échec total, car au lieu de tirer celles-ci vers le haut, ce sont les transactions des marchés organisés qui ont été aspirées vers le bas.
La Commission européenne propose de créer des organized trading facilities (OTF) afin d'augmenter la transparence du marché en organisant plus clairement le système des ordres d'achat ou de vente des transactions effectuées de gré à gré. Mais quel est l'apport réel de ces OTF ? Avec ce système intermédiaire, on peut espérer rapatrier les négociations de gré à gré vers ces plateformes. On peut tout aussi bien craindre que celles aujourd'hui effectuées sur des SMN organisés se transfèrent vers des plateformes intermédiaires moins régulées. C'est notre appréhension majeure s'agissant des marchés « actions ».
Vous l'aurez compris, cette proposition nous pose problème. Le régulateur français entend promouvoir des plateformes les plus transparentes en adoptant une hiérarchie claire sur ce critère et privilégier les marchés organisés. Ce qui serait paradoxal mais qui pourrait tout à fait advenir serait de parvenir à une plus grande transparence dans l'échange des produits dérivés, mais moins sur les titres classiques, telles que les actions et les obligations. C'est tout de même problématique !
Les dérogations au principe de transparence prévues dans le projet actuel, notamment lors du passage des ordres, doivent être limitées. Il convient aussi de consolider les informations après négociation sur les achats et les ventes, afin que les autorités nationales disposent de données fiables et consolidées. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
L'objectif de la régulation, c'est bien l'efficacité des marchés et leur intégrité. Le marché est un lieu de rencontre entre acheteurs et vendeurs de titres sur le fondement de leur analyse de la valeur des titres, or le trading haute fréquence a remis en cause ce postulat. Nous souhaitons que l'AEMF fixe des règles précises, par exemple sur les tarifs pratiqués pour les ordres annulés.
L'intégrité, disais-je : le projet de directive abus de marché et la directive MIF nous en donnent les moyens. Les plateformes cependant n'ont pas encore l'obligation de nous soumettre les carnets d'ordres, or cela seul garantirait une véritable surveillance de l'intégrité des marchés. Le règlement EMIR sur les infrastructures de marchés européennes vise à apporter de la transparence sur les marchés de produits dérivés, y compris de matières premières ; il rend l'enregistrement et la compensation obligatoires sur les marchés de dérivés, ce qui impose de renforcer les chambres de compensation. L'Europe a pris du retard par rapport aux Etats-Unis. Il est grand temps de le combler si nous ne voulons pas devenir dépendants des systèmes de compensation et d'enregistrement américains. Nous insistons auprès de la Commission européenne sur la réciprocité.
La compensation sur les produits dérivés est la condition de la stabilité financière ! Les chambres de compensation, en cas de défaut d'une partie, jouent le rôle de pare-feu. Lors de la faillite de Lehman Brothers ou plus récemment celle de MF Global, on a vu qu'il était possible de couper rapidement la branche morte. Nous insistons sur la nécessité de disposer de chambres de compensation situées dans la zone euro, pour les contrats libellés dans cette monnaie. Nos souhaitons que l'AEMF dispose d'un pouvoir fort sur ces institutions. Du reste, l'AMF a anticipé la mise en oeuvre de la directive et exige que la majeure partie des transactions sur les dérivés, y compris celles conclues sur le marché ou de gré à gré, lui soient déclarées. C'est un message fort.